Syrie: la nuit des somnambules
Ces frappes punitives en Syrie affectuées par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont été inefficaces puisqu’elles ne changent pas la situation sur le terrain mais aussi inutiles car elles ne contribueront pas à sortir la Syrie de la guerre. Elles ne permettent pas non plus d’accélérer la lutte contre l’Etat islamique pourtant désigné comme l’ennemi des trois puissances qui ont procédé à des frappes, mais ciblent la Syrie loyale qui avec le soutien de la Russie et de l’Iran, est le meilleur rempart contre les islamistes. Ces frappes permettent surtout de compenser pas une démonstration de force, la faillite de la tentative de changement de régime en Syrie des gouvernements occidentaux et de chercher à reprendre pied dans les négociations sur l’avenir de la Syrie, après avoit été évincés par un mauvais diagnostic géopolitique de la situation. Il sont aussi été doublés par l’intervention russe qui ne pouvait pas risquer la déstabilisation de sa proximité géographique jusqu’au Caucase et en Asie centrale, par un effet domino des changements de régimes et l’arrivée au pouvoir des islamistes. En ce qui concerne la France, elles marquent un alignement sur les objectifs des USA pour sont les initiateurs de la doctrine des changements de régimes, surtout depuis la fin de la Guerre Froide, dont l’objectif est de ralentir la multipolarité promue par la Russie, et ce en agissant de concert avec les intérêts des pays du Golfe et d’Israel contre l’axe Russie-Iran. La France n’a eu qu’un rôle de supplétif, sans aucune stratégie géopolitique de souveraineté et d’équilibre en contradiction avec l’héritage doctrinaire du général de Gaulle. Le général de Gaulle concevait la posture française comme une nation à l’équilibre des différents espaces géopolitiques pour préserver sa marge de manoeuvre et son indépendance et le projet européen comme une caisse de résonance des intérêts français et un pôle indépendant des grands blocs géopolitiques, afin de préserver la paix et la stabilité. Sans preuves et sans approbation du conseil de sécurité, cette décision affaiblit encore plus l’un des derniers instruments qui permet à la France de défendre ses intérêts dans le monde, et de négocier les équilibres du monde multicentré en émergence. Cette décision, comme la guerre en Libye, a divisé les Européens, notamment avec l’Allemagne, et risque de fragmenter encore plus la relation avec la Russie, dont la France a besoin pour un meilleur équilibre géopolitique européen et mondial, mais aussi avec l’Iran et la Syrie loyale. Afin de limiter les dégâts politiques qui s’en suivront à plus long terme, et la perte de marge de manoeuvre de la France, une initiative serait bienvenue pour organiser un espace de solidarité et de sécurité de Brest à Vladivostok (envisagé dans le nouveau traité de coalition allemande), mais aussi euro-méditerranéen, pour dépasser cet enfermement des Européens membres de l’UE dans un espace euro-atlantiste exclusif.