Le rapprochement franco-russe pour un nouvel équilibre européen
Les élections en Russie ont été marquées par la victoire écrasante de Vladimir Poutine avec 76, 66 %, une participation en hausse 67,7% (65,27% en 2012), et un déroulement qui n’a jamais été aussi transparent, puisque 1513 observateurs internationaux de plus de 100 pays (et 500 de l’OSCE), y ont participé, en tout 470 000 observateurs dans les bureaux de vote, et qu’aucune plainte n’a été déposée selon la commission électorale. Le soutien au président russe s’est aussi accru dans les grandes villes comme à Moscou, mais aussi chez les Russes résidant à l’étranger comme en France (61%) et aux États-Unis (63%), soulignant leur scepticisme face au critiques systématiques contre leur pays et la baisse de l’attrait pour un modèle occidental en crise.
Ce plébiscite massif souligne que la nation russe s’est ressoudée, comme aucune autre nation en Europe, et démontre l’échec de la tentative de division du peuple russe par les sanctions et politique d’isolement poursuivie par l’UE et l’OTAN et leurs membres. L’instrumentalisation grossière de l’affaire Skripal a sans doute aussi renforcé la méfiance des Russes.
Cet avertissement devrait être une opportunité pour repenser les relations entre la France et la Russie selon l’angle de la géopolitique. Le diagnostic géopolitique souligne que l’Union Européenne est coincée entre deux arcs de crises à la suite de la dégradation de sa sécurité dans sa proximité géographique. La situation a été aggravée par la doctrine des changements des régimes dans l’arc de crise au Sud (soutien aux révolutions arabes menant au chaos), et cela a abouti à la dégradation des crises de l’arc de crise Est. La Russie cherche en effet à endiguer l’effet domino des révolutions de l’arc de crise Sud, en intervenant en Syrie. Elle a le soutien implicite des autres nations du continent eurasien, notamment en Asie centrale, mais aussi l’Iran et la Chine. La Russie cherche aussi à contenir la déstabilisation du monde russe face à la crise en Ukraine, mai aussi dans le Caucase.
La La crise entre l’UE et la Russie est un enjeu fondamental du projet européen car son issue déterminera la direction du projet européen : alignement sur une vision uni-centrée des USA/OTAN ou une Europe des nations de « Brest à Vladivostok » incluant la Russie. Cette dernière option est une alternative européenne à l’option exclusive euro-atlantique, et à permettrait à l’échelle mondiale d’éviter un condominium américano-chinois, ou jouer le rôle de modérateur dans le cas d’une rivalité globale croissante américano-chinoise.
C’est à la France de prendre l’initiative pour un rapprochement avec la Russie, dans le contexte du Brexit qui va déséquilibrer et accroître la fragmentation de l’UE. L’alliance franco-russe est un facteur d’équilibre nécessaire dans son histoire, aussi important qu’un axe franco-allemand et la relation franco-américaine et lui redonnerait sa marge de manœuvre qui lui échappe par un alignement croissant sur une ligne germano-américaine à l’UE/OTAN. Les deux nations, France et Russie, territorialement situées aux deux extrémités du continent eurasien, ont intérêt à se rapprocher pour éviter leur marginalisation par rapport à la dérive du projet européen vers une Allemagne comme puissance centrale de l’UE conçue comme sous-ensemble sans autonomie stratégique d’un grande enveloppe euro-atlantique centrée sur les États-Unis et l’OTAN.
La renaissance du projet européen et de la relation franco-allemande sur des bases solides, passerait donc par un rapprochement continental avec la Russie car un meilleur équilibre européen est le seul moyen de satisfaire aux deux objectifs fondamentaux du projet européen : un équilibre franco-allemand et une Europe d’envergure continentale structurée (sur le modèle d’Europe des nations) qui fasse équilibre vis-à-vis des autres puissances dans le monde, afin de promouvoir plus de stabilité.
Cette réorientation géopolitique aurait donc pour objectif de promouvoir ensuite un espace de sécurité et de prospérité continental après un rapprochement France-Allemagne-Russie que le général de Gaulle avait anticipé. Cet ensemble serait articulé avec un nouvel espace de sécurité de Vancouver à Vladivostok, avec les États-Unis qui devront tôt ou tard accepter la multipolarité mondiale. La poursuite de la trajectoire actuelle basée sur l’euro-atlantisme exclusif, n’aboutira qu’à une fragmentation croissante de l’Europe et sa marginalisation face aux autres grands ensembles géopolitiques.