Russie et Union européenne : le chaînon manquant en matière de défense et sécurité
Introduction
La thématique de la nouvelle architecture de sécurité européenne avec la Russie est à nouveau au centre des débats européens depuis les propositions françaises émises par le président français. La géopolitique, c’est l’anticipation sur l’espace-temps des autres. Cela fait bien longtemps que cette idée aurait dû être avancée par la France. Elle ne pourrait cependant être mis en oeuvre que par une réforme parallèle des fondements du projet européen porté aujourd’hui par une Union européenne aux paradigmes largement obsolètes. Mon article de 2013 publié dans la Revue Défense Nationale (donc avant le crise en Ukraine et l’intervention russe en Syrie ) soulignait la pertinence d’ un « nouvel espace de sécurité euro-russe de Lisbonne à Vladivostok (un nouveau traité de sécurité européenne) » comme instrument pour promouvoir les intérêts géopolitiques de la France,
-à partir de sa géographie et du principe de resserrement géographique,
-avec un noyau d’Etats européens, en dehors des structures de l’UE ,
-avec l’ambition de résoudre l’équation stratégique du XXIème siècle: les équilibres géopolitiques mondiaux et européens, l’équilibre franco-allemand, les menaces issues de l’islam radical…
L’enjeu géopolitique européen central est le suivant : « Un rapprochement avec la Russie selon un axe continental aboutissant à un rééquilibrage de l’alliance euro-atlantique serait indiqué pour que l’Union puisse s’organiser en fonction de ses propres priorités. La perspective de la dégradation des relations entre les États européens et les États au sud de la Méditerranée aspirés dans une période durable de troubles est une option qui ne peut pas être écartée. Pour briser l’enfermement de l’Union européenne dans l’angle des deux arcs de tensions à ses frontières au sud, (révolutions arabes), à l’est (conflits gelés issus de la désintégration de l’URSS), un rapprochement substantiel avec la Russie serait utile pour engager une gestion partagée des instabilités orientales et l’identification des intérêts communs vis-à-vis de l’arc de crise au Sud. Voilà ce que l’analyse stratégique révèle. »
Article publié dans la Revue défense nationale-Où va l’Europe militaire? Eté 2013. -PERSPECTIVE STRATÉGIQUE
Résumé:
C’est à une manœuvre franco-allemande coordonnée qu’invite l’auteur pour gérer une rivalité renaissante en rééquilibrant vers la Russie l’espace stratégique européen. On pourrait ainsi enclencher une coopération militaire fondée sur une vision commune de la conflictualité d’une planète mondialisée et turbulente. C’est une nouvelle ambition européenne qu’il expose.
L’Union européenne et sa sécurité, une affaire d’équilibres internes et externes
La conjonction et le renforcement simultané de plusieurs tendances négatives de la géopolitique mondiale pourraient favoriser un scénario particulièrement défavorable pour la sécurité et la défense de l’Union européenne. Voici quelques hypothèses.
Une rivalité entre la Russie et l’Union européenne à la suite de l’élargissement des nouvelles fractures continentales et une Russie s’orientant de manière plus prononcée vers l’Asie au détriment des États-membres de l’Union. Une réorientation des États-Unis vers l’Asie-Pacifique aboutissant à des
actions de leur part de manière non concertée avec les Européens dans leur environnement stratégique.
L’émergence d’États ou d’alliances islamistes hostiles sur le continent africain et la péninsule arabique, parallèlement à la décomposition des États et la prolifération des acteurs transnationaux et infra étatiques pratiquant le terrorisme et la criminalité.
Un blocage durable du projet d’Europe de la défense et de la sécurité par une cristallisation des différends entre États-membres, en particulier entre l’Allemagne et la France.
Comme ces scénarios ne peuvent pas être a priori exclus, éventuellement de manière simultanée, l’Union européenne sera amenée à modifier sa posture pour être capable d’y faire face. Avant d’aborder la manière dont l’Union européenne pourrait s’y prendre, rappelons les fondamentaux suivants. Les fondements géopolitiques du projet européen ont reposé sur deux objectifs : arrêter les guerres alimentées par les rivalités mimétiques entre États européens et offrir aux Européens un gain de souveraineté dans le monde bipolaire pour assurer leur sécurité. Ces principes restent valables aujourd’hui. Il s’agit de préserver les équilibres de pouvoir internes à l’Union européenne, et en particulier franco-allemands, et les équilibres de pouvoir nécessaires à la sécurité européenne vis-à-vis des acteurs extérieurs au cercle des États-membres. Les deux logiques devraient idéalement s’articuler.
L’un des plus grands échecs de l’après-guerre froide est aujourd’hui celui de ne pas avoir suffisamment inséré la Russie dans la nouvelle architecture de sécurité européenne et mondiale. Tant que l’Union européenne ne s’engagera pas selon une stratégie cohérente prenant en compte les intérêts de la Russie, cette dernière privilégiera les relations bilatérales, et au pire, se positionnera en rivale.
En réintégrant la Russie dans les plans stratégiques européens, la manœuvre aurait le double avantage d’assurer plus de sécurité à l’Union européenne en modifiant les équilibres externes, mais aussi amorcer un déblocage du projet européen en abordant la question des déséquilibres internes par le biais de la coopération en matière de défense et sécurité.
Pour un nouveau positionnement stratégique de l’UE
Après la Seconde Guerre mondiale, le projet européen s’est construit en opposition avec l’URSS qui était devenue la nouvelle figure de l’ennemi. Depuis la chute de l’URSS et du monde bipolaire au début des années 1990, l’évolution de la nouvelle configuration géopolitique requiert une réponse différente pour consolider l’espace de sécurité européen et mondial.
Sans offrir une place appropriée à la Russie dans un nouvel espace de sécurité de Vancouver à Vladivostok, les relations resteront difficiles entre la Russie et l’Union européenne par la persistance des méfiances réciproques. Le statut d’adversaire de la Russie dans les représentations de certains pays européens est pourtant inadapté à la nouvelle donne mondiale pour promouvoir la stabilité en Europe et sur ces marges, et la promotion de l’Union européenne comme pôle de puissance pour porter cet objectif.
Dans un monde multicentré, l’ajustement entre projets géopolitiques concurrents et la stabilisation des aires de friction entre les pôles de puissances oscillant entre rivalité latente et coopération pourra difficilement être réalisé autrement que sur le principe de la balance de forces. C’est un préalable à une négociation entre pôles pour pérenniser la stabilité et favoriser le développement de valeurs communes. Avec la réduction croissante des moyens, le principe de resserrement géographique autour de son environnement géopolitique immédiat est aussi une réponse au problème de surextension, selon une stratégie de concentration des actions et d’économie des moyens.
À l’inverse de la guerre froide caractérisée par une désignation claire de l’ennemi et un monde divisé en blocs antagonistes, les rivalités et possibilités d’alliances sont aujourd’hui plus diverses et précaires. La tâche principale pour les acteurs centraux de la multipolarité est l’endiguement des conflits locaux ou régionaux et des acteurs transnationaux hostiles susceptibles de perturber la stabilité plus ou moins précaire entre pôles dominants et relatifs. En décalage par rapport à cette évolution, la plupart des États membres et les institutions européennes font le pari d’un monde régit par le droit en s’appuyant de manière trop exclusive sur le rôle stabilisateur des interdépendances économiques, la promotion des droits de l’homme et l’élargissement de la démocratie à partir de l’exemple européen.
Pour être plus efficaces, la responsabilité incombe aux Européens d’élaborer leur propre stratégie de puissance dans la multipolarité mondiale. Dans la perspective d’un réveil stratégique du projet européen, le rapprochement avec la Russie est une option indispensable.
Pour l’Union européenne, exploiter les potentialités que lui offre la géographie suggère un positionnement comme pôle de puissance et facteur d’équilibre à la charnière des espaces géopolitiques euro-atlantique, euro-asiatique, euro-méditerranéen et africain et euro-arctique avec une hiérarchisation des priorités par zone géographique. Les États-Unis et la Russie sont les clés de la sécurité et de la puissance mondiale pour l’Union européenne afin d’amorcer une stratégie organisée selon ses axes maritimes et continentaux. Cette dernière option ne peut pas être valorisée dans un enfermement stratégique, en particulier vis-à-vis de l’espace euro-asiatique. La priorité est bien de parachever un espace de sécurité de Vancouver à Vladivostok qu’une nouvelle architecture de sécurité entre Union européenne et Russie viendrait compléter. Un rapprochement avec la Russie selon un axe continental aboutissant à un rééquilibrage de l’alliance euro-atlantique serait indiqué pour que l’Union puisse s’organiser en fonction de ses propres priorités. La perspective de la dégradation des relations entre les États européens et les États au sud de la Méditerranée aspirés dans une période durable de troubles est une option qui ne peut pas être écartée. Pour briser l’enfermement de l’Union européenne dans l’angle des deux arcs de tensions à ses frontières au sud, (révolutions arabes), à l’est (conflits gelés issus de la désintégration de l’URSS), un rapprochement substantiel avec la Russie serait utile pour engager une gestion partagée des instabilités orientales et l’identification des intérêts communs vis-à-vis de l’arc de crise au Sud. Voilà ce que l’analyse stratégique révèle.
Le rétablissement de la confiance entre Russie et Union européenne : vers un nouveau système de sécurité ?
Les relations entre la Russie et l’UE ne peuvent être sorties du contexte géographique dans lesquelles elles évoluent. La Russie, comme l’Allemagne à l’occasion de sa réunification, a besoin de s’entourer d’alliés pour assurer sa propre sécurité.
La contiguïté territoriale de la Russie avec la Chine, avec le Moyen-Orient, l’Asie centrale, l’Europe centrale et orientale et la mer Arctique influe fortement sur sa propre perspective : selon le point russe, les déstabilisations issues de révolutions arabes au Moyen-Orient risquent de déborder sur les régions du Caucase et de l’Asie centrale, tandis que l’Ouest ne lui inspire pas confiance avec la posture expansionniste du partenariat oriental de l’UE et de l’Otan.
La doctrine militaire de la Fédération de Russie dévoilée le 10 février 2010 souligne les grandes lignes de la stratégie russe. Elle est en phase avec l’évolution de la géopolitique mondiale. La Fédération de Russie cherche à renforcer sa sécurité à partir des zones géographiques contiguës selon des cercles concentriques. Sa priorité est de renforcer un système de sécurité collective dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) (1), d’intensifier la coopération au sein de la Communauté des États indépendants (CEI), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Elle propose ensuite de développer des relations avec l’Union européenne et l’Otan.
Les différends entre les États-membres de l’Union européenne et la Russie à propos de la guerre civile en Syrie, du programme nucléaire en Iran, de l’Afghanistan, mais aussi le bouclier antimissile de l’Otan (2), ne peuvent être abordés comme des dossiers isolés dont la résolution par étapes ouvrirait la voie à une amélioration des relations avec la Russie. Construire une confiance réciproque nécessite en réalité d’offrir en premier lieu une place adéquate à la Russie dans la nouvelle configuration géopolitique européenne puis à en engranger les bénéfices en termes de stabilité et de synergie communes sur le continent euro-asiatique, en Méditerranée et en Afrique.
Au rebours de la réintégration dans un nouveau concert des nations de la Russie sortie affaiblie de la guerre froide, c’est un refoulement dans ses terres continentales qui a été privilégié par le projet euro-atlantique. La poursuite de l’extension de l’Union européenne aux pays de l’ex-URSS de manière non concertée n’a pas favorisé non plus la confiance, d’autant plus que du point de vue des Russes, Union européenne et Otan avancent de concert. Rétablir la confiance, c’est ne pas empiéter sur l’espace de sécurité de la Russie afin d’éviter les contrecoups. Cela ne veut pas dire non plus accepter toutes ses revendications mais la négociation de lignes rouges territoriales réciproques est nécessaire. Stabiliser les frontières permet de combiner leur rôle protecteur avec une ouverture pour les échanges en instaurant la confiance.
Pour parachever l’espace de sécurité de Vancouver à Vladivostok, c’est aux Européens de coopter la Russie car les États-Unis n’y parviendront pas en raison des méfiances réciproques. Il est tout aussi inacceptable pour les Européens de se couper de leur flanc oriental que de leur flanc méridional car une orientation exclusivement atlantique soustrait un espace à la coopération et retarde le renforcement de la sécurité globale. L’Union européenne pourrait aussi être amenée comme la Russie à définir ses propres zones de responsabilités en évitant d’empiéter de manière non concertée avec celles de la Russie.
On pourrait imaginer la négociation d’un nouvel espace de sécurité euro-russe de Lisbonne à Vladivostok (un nouveau traité de sécurité européenne) comme sous-ensemble de l’espace de sécurité de Vancouver à Vladivostok avec l’Union européenne en position de pivot-charnière, articulé avec la Russie en pivot-charnière voisin de l’Union à l’intersection de l’espace euro-atlantique de Vancouver à Vladivostok (Otan et OSCE), celui de Lisbonne à Vladivostok (UE), l’espace de Saint-Pétersbourg à Pékin (OCS) (3) et celui de Minsk à Douchanbé (OTSC) (4). Les espaces de chevauchement entre ces structures entrelacées, feraient l’objet d’équilibres négociés par le biais de synergies entre l’Otan, l’UE, l’OSCE, l’OTSC, l’OCS, à l’occasion d’un « nouveau congrès de Vienne ». En parallèle de cette initiative, la consolidation de l’OCS et l’OTSC irait dans le sens d’une plus grande stabilisation de la multipolarité.
En termes institutionnels et opérationnels cela signifierait : négocier un nouvel accord de sécurité européenne comme cela avait été proposé par le président russe Dimitri Medvedev en 2009 ; réactiver l’idée d’un comité politique et de sécurité UE-Russie, qui avait été proposée par la chancelière allemande le 5 juin 2010, et reprise par le triangle de Weimar ; favoriser des opérations conjointes de gestion des crises dans les interstices des zones d’intérêts prioritaires entre Union européenne et Russie (5).
Le rôle de la Russie dans les équilibres internes
Soulignons à nouveau les fondements géopolitiques du projet européen. Aujourd’hui comme hier, deux niveaux d’analyse sont requis : en complément d’un positionnement collectif externe pour défendre leurs intérêts communs, un équilibre interne acceptable entre États membres est la condition de la pérennisation du projet européen.
Tant que les États-membres de l’UE n’ont pas de perception commune de leur sécurité, il est illusoire de faire progresser rapidement l’Union européenne vers une stratégie de défense et de sécurité ouverte à la Russie. Il incombe donc à un noyau d’États-membres de lancer le chantier, éventuellement en dehors des structures de l’Union, puis de convaincre le plus grand nombre du bien fondé de leur démarche. Les Allemands et les Français pourraient peser de tout leur poids sur les équilibres internes de l’Union qui aujourd’hui ne favorisent pas cette évolution. Un chantier parallèle serait de favoriser un nouvel équilibre entre Allemagne et France. Les deux pays sont en rivalité renouvelée pour la position au centre de l’Europe qui allie sécurité et pouvoir dans leurs représentations stratégiques depuis l’unification allemande. La position au centre, c’est initialement la France qui l’avait obtenue avec le rapprochement franco-allemand et le démembrement territorial de l’Allemagne pendant la guerre froide. L’Allemagne l’a récupérée ensuite après avoir accédé à ses revendications principales, son unification et l’élargissement de l’Union européenne, aboutissant par conséquent à un déplacement du centre de gravité vers l’Est. Cette situation a conduit une rivalité sur l’orientation géopolitique de l’Union européenne, l’Est ou le Sud, prolongé par les méfiances réciproques à propos de la crise de l’euro et le blocage de l’Europe de la défense. L’Allemagne étant en situation de saturation stratégique, c’est donc sur la France que pèse la responsabilité d’engager une manoeuvre de rééquilibrage en canalisant la tension franco-allemande vers une posture de puissance vers l’extérieur.
Le rééquilibrage tenté par un rapprochement entre la France et le Royaume-Uni sur les questions de défense peut fonctionner sur des questions bilatérales d’importance mais pas dans l’optique d’une Europe politique. La stratégie de charnière-pivot de la France entre Royaume-Uni et Allemagne comporte le risque de se retrouver de facto le partenaire mineur vis-à-vis des États-Unis et du Royaume-Uni qui restent soudés, tout en devenant le partenaire mineur de la relation franco-allemande sur les questions économico-monétaires.
Pour tenter de résoudre ce nouveau déséquilibre, un changement d’échelle au niveau euro-asiatique pourrait offrir de nouvelles perspectives. Pour résoudre le dilemme géopolitique précédent, c’est avec la Russie qu’un meilleur équilibre pourrait être réalisé, même si les relations germano-russes resteront la priorité pour Moscou : la stratégie allemande vis-à-vis de la Russie est de nature économico-politique.
L’approfondissement constant des interdépendances économiques a pour objectif de réduire les difficultés politiques qui restent puissantes aujourd’hui. Les Allemands cherchent à éviter une « nouvelle guerre froide » où ils perdraient leur position au milieu de l’Europe entourés d’alliés et de pays stabilisés. L’Union européenne et la France ont vocation à accompagner ce mouvement. Un rapprochement franco-russe sur les questions de sécurité et de défense, avec une coopération militaire renforcée à la clé, pourrait être mené en complémentarité avec les priorités économiques et politiques de Berlin.
Cette démarche est susceptible de susciter l’intérêt des Allemands qui trouveraient en la France un partenaire pour éviter une mise au ban de la Russie. Les Allemands seraient moins amenés à penser que la France souhaite équilibrer l’Europe avec une orientation prépondérante vers l’Afrique et la Méditerranée. Les Français pourraient ainsi réduire le soupçon de faire de leur orientation méditerranéenne, un élément de puissance au détriment des autres États-membres. Via un rapprochement sur les questions de sécurité et de défense, seuls les Français sont en mesure de faire un pas décisif vers une coopération militaire avec les Russes pour ouvrir la voie au sein de l’Union européenne. Les Allemands ne peuvent pas être en pointe sur cette thématique pour des raisons historiques évidentes. Ils risqueraient d’être soupçonnés de fomenter un nouveau pacte germano-russe.
Avec la vente des navires Mistral, la coopération en matière logistique pour l’opération EUFor Tchad en 2008, la négociation du cessez-le-feu à l’occasion de la guerre Russie-Géorgie, la coopération spatiale, les Français ont fait les premiers pas.
Les enjeux à plus longue échéance
En ce qui concerne les effets à retardement des révolutions arabes, la Russie est probablement plus lucide que l’Europe sur les risques encourus à plus long terme. Elle craint une extension des déstabilisations au Caucase et en Asie centrale, avec des prolongements jusque dans les banlieues des grandes villes russes en raison de l’immigration de masse issue de ces zones et des difficultés d’assimilation. Les Républiques de la Fédération russe à majorité musulmanes subissent aussi un accroissement rapide des fondamentalismes, comme au Daghestan et en Tchétchénie. La contiguïté territoriale est un facteur d’accélération des instabilités transnationales.
Les effets de la progression du radicalisme islamiste dans les États en proie aux révolutions arabes ne manqueront pas de se faire sentir dans l’Union européenne dans les endroits où les communautés issues de ces pays sont importantes au point de faire éventuellement vaciller l’unité des nations. Les Européens ne sont pas encore prêts à envisager cette forme de surprise stratégique par le poids conjugué des non-dits, des stratégies électoralistes et de l’idéologie du multiculturalisme.
La Russie et les États-membres de l’Union européenne auraient pourtant intérêt à réfléchir de concert aux menaces communes issues des risques combinant migrations de masse, radicalisme religieux et ingérence potentielle des États d’où elles proviennent à l’occasion des crises multiformes de la mondialisation qui préfigurent peut-être les conflits futurs sur leur propre territoire.
(1) La Russie considère l’attaque d’un membre de la CSTO comme une attaque contre tous ses membres.
(2) Bien que l’Union européenne ne soit aujourd’hui pas compétente pour en traiter.
(3) La Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.
(4) L’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan.
(5) La Russie a participé à l’opération EUFor Tchad RCA en 2008-2009 et des réunions de coordination se déroulent dans
le cadre des opérations contre la piraterie dans le golfe d’Aden et l’océan Indien.