L’OTAN et la porte ouverte à l’Ukraine et la Géorgie : une dangereuse illusion
Lors du sommet de l’OTAN le 14 juin 2021, les Etats membres ont réaffirmé leur attachement à la politique de la porte ouverte de l’OTAN.
L’objectif géopolitique, hier comme aujourd’hui, est donc d’envisager à l’avenir pour les pays participants au partenariat pour la paix de l’OTAN, une nouvelle vague d’élargissement de l’OTAN, notamment la Géorgie, mais aussi l’Ukraine.
Cet objectif est perçu avec scepticisme au sein de l’OTAN, de la part de certains Etats membres notamment de la part de la France et de l’Allemagne mais reçoit un soutien plus fort de la part de la Pologne, des pays baltes. Le nouveau président américain Joe Biden, face à la demande pressante de l’Ukraine est resté plutôt très prudent et évasif.
Ces promesses ont donc aujourd’hui pourtant peu de chances d’être tenues. En effet, en ce qui concerne l’Ukraine, son adhésion à l’Alliance atlantique devient non seulement plus risquée en raison du conflit dans le Donbass, mais aussi moins avantageuse par l’impossibilité pour l’OTAN de s’implanter en Crimée rattachée à la Russie. La rattachement de la Crimée à la Russie après le référendum du 16 mars 2014 rend impossible un élargissement de l’OTAN à l’Ukraine. Si le gouvernement ukrainien ne reconnait pas la sécession de la Crimée, en cas d’adhésion à l’OTAN, l’article V de défense mutuelle pourrait être invoqué et l’OTAN se trouverait de facto en conflit avec la Russie, ce que refusent la plupart de ses États-membres européens. Si le nouveau gouvernement reconnaissait la sécession, un élargissement de l’OTAN à l’Ukraine sans la Crimée aurait moindre valeur stratégique. Ce scénario rencontrerait également l’opposition de la Russie. La situation est assez identique avec la Géorgie qui a de facto perdu l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie car ces entités non reconnues par les Etats-membres de l’OTAN ont déclaré leur indépendance à l’issue de la guerre Russie -Géorgie en 2008. Une éventuelle adhésion de la Géorgie à l’OTAN pourrait entrainer une demande d’activation de l’article V de l’OTAN, mais ne serait sans doute pas suivie d’effet, car aucun Etat européen ne souhaite entrer en conflit frontal avec la Russie. L’OTAN et l’article V en sortiraient même décrédibilisés.
Si l’option de l’élargissement n’est pas crédible aujourd’hui, cela montre pourtant que cette option reste une possibilité pour le plus long terme, et pourrait éventuellement revenir à l’agenda européen dans un moment plus propice afin de passer outre les réticence des États membres comme la France et l’Allemagne pour l’instant opposés à ce scénario. En Ukraine, et en Géorgie, en s’engageant toujours plus au delà de ses frontières, dans les pays de l’ex-URSS, l’OTAN prend le risque de se trouver impliquée dans les discontinuités géopolitiques issues des frontières géo-historiques qui jalonnent le continent eurasien : elle affaiblit la sécurité européenne et augmente les risques de conflits avec la Russie.
Cette réaffirmation de la politique de la porte ouverte de l’OTAN, malgré les ambiguïté de certains Etat, éloigne de toute manière la France de ses priorités géopolitiques pour sa sécurité qui se situent dans l’arc de crise au Sud avec le Sahel en particulier et mais aussi l’Allemagne qui, a intérêt à une plus d’unité européenne afin de ne pas pâtir des déstabilisation en Europe orientale et les Balkans.