Donald Trump et les visées des Etats-Unis sur le Canada et le Groenland : le nouveau front Arctique
Donald Trump président, L’enjeu géopolitique central est le suivant : la nouvelle administration Trump va-t-elle s’éloigner des doctrines géopolitiques anglo-saxonnes dont l’objectif est le contrôle et l’encerclement de l’Eurasie et sa fragmentation, en redéfinissant la place des États-Unis dans un monde multipolaire ? Rien n’indique pour le moment que la nouvelle administration va abandonner cette posture géopolitique, mais ce n’est pas exclu à plus long terme.
Donald Trump a déclaré vouloir reprendre le canal de Panama, s’approprier le Groenland et unifier les Etats-Unis avec le Canada selon une nouvelle doctrine panaméricaine. Si ces annonces provocatrices ont pour objectif d’obtenir des concessions (des bases militaires permanentes et un accès exclusif aux ressources ?), elles n’en sont pas moins significatives de l’évolution de la vision du monde du président américain.
Selon l’angle géopolitique, on constate une continuité avec la poursuite de l’encerclement de l’Eurasie contre la Russie et la Chine. Pour compenser le reflux géopolitique dans le Rimland [1]autour de l’Eurasie depuis le retrait d’Afghanistan et bientôt de l’Ukraine, Washington se renforcerait sur les fronts arctique (visées sur le Groenland et le Canada), indo-pacifique (l’alliance AUKUS) et européen. Le front européen en soutien de l’Ukraine contre la Russie serait par contre délégué aux Européens. Les Européens, sous couvert d’une plus grande autonomie stratégique et de partage du fardeau, seraient enrôlés comme supplétifs de la manœuvre américaine contre la Chine et la Russie. Un rapprochement significatif entre Washington et Moscou est impossible car il ouvrirait la voie à un rapprochement franco-germano-russe, considéré comme un défi à l’hégémonie américaine en Europe. Si les Européens et la France en particulier n’identifient pas leurs propres priorités de manière indépendante et souveraine vis-à-vis des Etats-Unis, Washington continuera à imposer ses priorités géopolitiques contre la Russie et la Chine, même si des négociations peuvent contenir les rivalités de manière précaire et temporaire.
On observe parallèlement un recentrement sur les zones d’influences géohistoriques pour éviter une surextension, et une régionalisation du monde par grands ensembles géopolitiques. Avec la consolidation du monde anglo-saxon centré sur les Etats-Unis, la vision de Donald Trump est en adéquation avec l’évolution du monde caractérisée par la recomposition des territoires autour des puissances centrales et un processus de resserrement géopolitique et civilisationnel, comme la recomposition du monde russe et le projet de Grande Eurasie, la réunification chinoise (visées sur Taiwan) et les Routes de la Soie, le projet pan turc, le projet européen (resté limité jusqu’à présent au statut de sous-ensemble d’un Grand Occident piloté par Washington). C’est le retour explicite des conquêtes territoriales, des zones d’influence, des zones tampons, des frontières mouvantes qui s’ajustent entre grands ensembles géopolitiques. A l’avenir, ce sont les coalitions précaires et temporaires des États qui détermineront la configuration géopolitique mondiale.
[1] Zone maritime de l’Eurasie. Le contrôle de cet espace est d’une importance capitale dans le contrôle du Heartland, la masse continentale eurasiatique incarnée par la Russie et la Chine, doctrine héritée des réflexions des géopoliticiens John Mackinder et Nicolas J. Spykmann