La France dans les Balkans – une Europe forte et libre – Auteur : Jovan Palalić, Député au Parlement de la République de Serbie
Lors de son arrivée dans les Balkans il y a 105 ans, au milieu de la Grande guerre, l’armée française a établi le Front de Salonique avec la Serbie, son allié régional le plus important. À l’époque, peu de gens croyaient que cette région complexe et instable pouvait influencer de manière décisive l’issue de la guerre et la défaite des Puissances centrales.
En soutenant la consolidation de l’armée serbe sur le Front de Salonique, et ayant pour but que l’armée victorieuse renouvelle la Serbie, la politique française de ce temps a bien compris – vu les traditions étatiques durant depuis des siècles et le sentiment de liberté et d’indépendance nationale profondément enraciné – que le peuple serbe pouvait stabiliser ce territoire tout en résistant à des invasions géopolitiques d’Asie et à la domination du monde germanique en bordure de l’Europe.
Le grand maréchal français Franchet d’Espèrey, commandant des Alliés, a été émerveillé par le fait que, à peine redressée et après une grande souffrance, l’armée serbe courrait plus vite même que ses frères français bien armés vers la victoire et la libération de la Serbie. Après la victoire serbe sur l’allié bulgare de l’Allemagne, sur ce front, ce qui a abouti à la libération de la Serbie et à la chute de la monarchie des Habsbourg, l’empereur allemand, Guillaume II, a furieusement constaté : « C’est une honte. Un quarteron de Serbes a décidé du sort de la guerre ! »
En réunissant l’importance de l’armée et politique françaises pour tous les Alliés sur le Front de Salonique, le maréchal a fondé une nouvelle Europe qui, à l’aide de son allié serbe des Balkans, a écarté l’influence nocive de l’Allemagne et de la Turquie pour une période. L’importance du Front de Salonique et de la victoire des Alliés concerne toute la période du développement de la région après la guerre et réside dans une grande modernisation et européisation des pays, ce qui a surtout été le mérite de la présence politique et économique de la France dans les Balkans.
Les Balkans n’étaient véritablement européens qu’au temps où la France observait stratégiquement leur développement, dans le cadre de l’Europe, et au temps où elle constatait précisément l’influence nocive que les dominations de diverses puissances pourraient avoir sur notre continent. Car aucune de ces puissances n’apportait ni le développement moderne ni la lumière de la conscience européenne ni la liberté des peuples régionaux ni leur véritable indépendance. Le recul français des Balkans a été un lourd coup pour les Serbes.
Tout le monde à Belgrade a trouvé étrange qu’une grande nation européenne – celle qui n’a jamais été perçue comme hégémon et que les peuples balkaniques, surtout les Serbes, suivaient pour sa grande culture, son pouvoir économique et une idée de liberté rayonnante – laisse tout d’un coup cet espace aux autres. Nous étions véritablement tristes et surpris.
La force de la France, ayant certainement ses propres intérêts politiques et économiques, se trouvait justement dans sa qualité de puissance douce. Elle ne devait rien imposer, ne forcer personne: tout le monde la suivait volontairement. La France guidait l’Europe à l’époque où elle guidait également les Balkans. La France guidait les Balkans au temps de la libération de la Serbie, aux côtés de ses frères serbes, et quand elle soutenait la force et le développement de son plus grand ami régional.
Le départ de la France signifiait des tentatives d’écroulement du facteur serbe dans la région, l’influence de nouvelles puissances extra-européennes, la régression économique dans tous les Balkans, ainsi que l’affaiblissement de l’Europe comme une conséquence finale.
Pendant les guerres des années 1990, les Balkans, ventre mou du continent, ont amené dans ce territoire le terrorisme et des extrémistes islamiques, ainsi que la domination de la conception de l’OTAN anglo-saxonne. Tous ces éléments visaient à écraser les Serbes, à travers la décomposition de leurs territoires historiques et à travers les bombardements brutaux en 1999. Aujourd’hui, au mois de mai, 105 après la création du Front de Salonique, pourquoi est-il important de se le rappeler ?
Malgré le fait qu’il n’y a pas de guerre, qu’il s’est écoulé beaucoup de temps et que les circonstances sont tout à fait différentes, l’ambiance géopolitique se change difficilement ou même ne change pas du tout. L’Allemagne cherche de nouveau à mettre en place une domination absolue dans la région, ignorant la nouvelle percée turque dans cet espace où vit environ 10 millions de musulmans qui sont politiquement et religieusement fortement liés à Istanbul.
Les idées politiques de l’Autriche-Hongrie envers les Serbes, que les États-Unis ont héritées il y a longtemps, renforcent les Albanais au détriment des intérêts et territoires serbes, comme Vienne le faisait autrefois. Dans une nouvelle harmonie, enfin retrouvée après la victoire de Joseph Biden, les États-Unis déclarent clairement leurs projets à l’égard de solutions définitives en Bosnie et au Kosovo, et ce contre les Serbes.
Dans cette liaison géopolitique, étrange en apparence, les États-Unis, l’Allemagne et la Turquie luttent ensemble pour l’influence et les intérêts des musulmans dans les Balkans, Albanais et Bosniaques. Parallèlement à tout cela, la Chine apparaît avec ses projets économiques, ne montrant pas encore ses intentions géopolitiques, attendant patiemment les résultats politiques de ses grands investissements.
Le chaos dans les Balkans et l’influence croissante des puissances extra-européennes, tacitement autorisées par l’Allemagne dominante, représentent un grand danger pour la stabilité européenne. La seule chose qui reste aux Serbes à faire dans ce jeu complexe et difficile est de compter uniquement sur la Russie, leur ami oriental par foi et origine. Or, les Serbes sont une nation européenne et notre destin est indissolublement lié à l’Europe, dont les frontières nous avons si longtemps défendu.
Ce rappel du Front de Salonique et de l’arrivée de l’armée française dans les Balkans est une invitation pour nos amis français à réfléchir de nouveau de cet espace dans le contexte d’aujourd’hui, et à reconnaitre tous les enjeux non seulement dans la région mais aussi ceux dans toute l’Europe.
Je suis profondément convaincu que les Balkans sont l’endroit où le retour de la France peut marquer le début de son rôle de leader renouvelé en Europe, à l’aide d’un renouveau affirmé de l’alliance avec les Serbes, qui le souhaitent sincèrement.
La victoire serbo-française et les forces récupérées des Serbes en ce temps-la, il y a 103 ans, étaient l’introduction au renouveau d’une Europe libre tournée vers Paris. Nous comprenons que les circonstances ni le rapport de puissance ne sont pas les mêmes.
Pourtant, les grandes nations doivent suivre le chemin que Dieu leur a donné, quelle que soit la force des enjeux ou des tentations. La France ne peut pas échapper à sa grandeur et à sa position de leader en Europe sans trahir sa mission historique. Là, sur le nouveau front politique pour les valeurs et le destin communs, ses amis serbes l’attendent dans les Balkans.