Le 11 septembre 2001 et la guerre en Afghanistan : bilan géopolitique pour la France et l’Europe
Les débats dans les médias et au niveau politique en Europe à propos du bilan de la guerre de l’OTAN en Afghanistan et du retour au pouvoir des Talibans démontrent qu’ il est plus facile de blâmer les Etats-Unis, que de questionner nos propres priorités et celles de nos partenaires européens. Les membres européens de l’OTAN et alliés aux Etats-Unis ont tous approuvés et contribué à divers degrés à cette opérations en Afghanistan. Nous en portons tous la responsabilité sur les conséquences géopolitiques.
Antiaméricanisme ou américanophile ne doivent pas nous aveugler. Le débat doit aussi porter sur un bilan géopolitique clinique de cette guerre pour les membres européens de l’OTAN dont la France et non pas nous focaliser uniquement sur les manquements des Etats-Unis et les aspects humanitaires et moraux à propos de l’accueil des réfugiés, en escamotant tout débat stratégique. C’est certes tentant, mais surtout utile pour la fuite des responsabilités.
La solidarité avec les Etats-Unis était justifiée, face à l’agression islamiste du 11 septembre; mais cela ne devait pas empêcher de débattre ensuite sur les modalités de la réponse à apporter et de questionner les choix de sa politique étrangère qui ont prévalu avant le 11 septembre, mais aussi après. La France, puissance nucléaire et membre du conseil de sécurité se devait de prendre position sur les attentats du 11 septembre et de la réplique à y opposer. Le débat a eu lieu à propos de la guerre en Irak en 2003, et s’est soldé par une fracture européenne profonde, mais beaucoup moins à propos de l’Afghanistan.
Soulignons que nous devons aussi rendre hommage aux soldats français tombés dans cette opération. Ils ont contribué à réduire la menace islamiste dans le monde en tout cas à partir de l’Afghanistan pendant cette période. Aujourd’hui le retour des Talibans au pouvoir sera tout de même contraint par la mise sous surveillance de ce pays par toutes les grandes puissances afin d’éviter une diffusion de l’islam radical dans la proximité régionale et dans le monde. Ils ne sont pas morts pour rien.
La vraie question géopolitique est la suivante, la participation de la France à l’opération de l’OTAN en Afghanistan a-t-elle permis d’éradiquer les menaces à sa sécurité nationale de manière décisive ? Après un bilan de cette opération, quels sont les intérêts nationaux à défendre et comment se repositionner pour poursuivre la lutte contre le djihadisme et assurer la sécurité de la France ? Défendre les intérêts de sécurité de la France et l’Europe dans l’Indou Kouch n’a malheureusement pas empêché les nombreux attentats islamistes dont ceux de Paris en 2015 et de Nice en 2016, ni le conflit de civilisation toujours plus intense avec l’islam politique sur le territoire français.
Cette opération de l’OTAN en Afghanistan nous a aussi emmené loin de la zone d’intérêts stratégiques prioritaires pour la France, l’arc de crise de la Méditerranée au Proche-Orient où les djihadistes prolifèrent depuis longtemps. Les gouvernements français successifs ont aussi négligé la nécessaire maitrise de propre territoire où l’islamisme prospère de manière croissante à la suite d’une immigration extra-européenne massive et l’idéologie de la société ouverte et du multiculturalisme qui fragmente la nation française depuis des décennies.
La question du 11 septembre devrait mener à un débat géopolitique sur une réévaluation des intérêts de la France dans la nouvelle configuration géopolitique en devenir, en termes de désignation de l’ennemi et de construction des alliances, dans le contexte de la rivalité des puissances et les conflits de civilisation avec l’islam politique et radical notamment, et la meilleure stratégie pour combattre cet ennemi.
Multilatéralisme et émergence du monde multipolaire
Tout d’abord, examinons le bilan en termes de doctrine internationale. la question de la mise ne avant de la doctrine multilatéraliste, portée par l’Union européenne et défendue par la diplomatie française devrait être questionnée dans ses fondements.
La décision des Etats-Unis de quitter l’Afghanistan de manière unilatérale sans tenir compte de l’avis de ses alliés nous a démontré que l’idéologie multilatéraliste de l’UE n’est pas applicable en l’état dans le contexte de la nouvelle rivalité des grandes puissances.
Il n’y a pas d’ordre normatif possible à l’échelle mondial , sans ordre spatial et géopolitique.
Un multilatéralisme n’est pas applicable sans une multipolarité acceptée, c’est à dire un meilleur équilibre géopolitique acceptable entre grandes puissances qui ouvrira la voie à à une meilleure coordination dans les organisations multilatérales. Nous n’y sommes pas encore, car les puissances ne s’entendent pas sur un ordre spatial et géopolitique et les grandes manoeuvres concurrentes dans les espaces de confrontation soulignent que le monde est entré dans une phase de fragmentation et de recomposition géopolitique dont on ne connait pas encore les finalités. Le multilatéralisme, inapplicable car sans ordre géopolitique admis par les grande puissances, devrait être supplanté par la principe classique de l’équilibre géopolitique. Une multipolarité acceptée est un préalable au multilatéralisme.
Les priorités géopolitiques divergentes dans le cadre de la rivalité des puissances
Ensuite, examinons le bilan en ce qui concerne la lutte contre l’islam radical.
En réalité, la lutte nécessaire contre l’islam radical a été fragilisée par la focalisation sur d’autres priorités comme la rivalité géopolitique avec la Russie et aujourd’hui de plus en plus la Chine dans le contexte des rivalités entre grandes puissances. Les gouvernements américains successifs et leurs alliés européens dont la France ont instrumentalisés et soutenu des rebelles soi disant modérés en Libye et en Syrie contre les gouvernements en place, alors qu’ils se sont révélés être des mercenaires islamistes jusqu’à aujourd’hui. Dans le cadre de la confrontation entre grandes puissances, et c’était déjà le cas contre l’URSS puis la Russie avant 2011. des alliances à risque ont été maintenues avec les pays prosélytes de l’islam radical (pays du Golfe).
Ces alliances tactiques ont abouti à renforcer l’islamisme au détriment des peuples américain, français mais aussi européens et eurasiens.
.Vingt ans après le 11 septembre, un bilan géopolitique sur cette longue période devrait débattu : Après 2001, c’est en réalité le Pakistan et l’Arabie saoudite qui auraient du faire l’objet de représailles de la part des Etats-Unis et leurs alliés européens pour endiguer l’islam radical dans le monde ainsi que le prosélytisme sur notre territoire. La réaction au 11 septembre n’aurait pas forcément du prendre la forme d’une opération militaire de grande envergure dans des pays comme l’Afghanistan.L’invasion de l’ Irak a été menée sur la base de fausses informations et cette opération a dégradé la sécurité du Moyen Orient mais aussi de l’Europe. Il aurait fallu aussi questionner les actions antérieures des Etats-Unis et leurs alliés qui ont abouti à rendre possible les attentats du 11 septembre. Des politiques anti-terroristes qui s’attaquent aux racines du problème comme le prosélytisme islamiste, son financement, les frontières poreuses de la société ouverte, et des opérations militaires et policières plus ciblées (on y revient aujourd’hui) auraient été peut-être plus efficaces ?
Dans le débat actuel, les notions de défaite et victoire brouillent aussi le débat car nous étions dans le contexte des guerres asymétriques, plus proche de l’intervention coloniale, que la guerre classique entre deux puissances.
Après l’intervention en Afghanistan, force est de constater que la doctrine des changement de régimes et interventions sous leadership des Etats-Unis avec leurs alliées dans la proximité géographique de l’Europe après l’Afghanistan a abouti à aggraver la sécurité de l’Europe coincée entre deux arcs de crises, renforcé l’islam politique, et fragmenté l’Europe avec la fracture géopolitique avec la Russie.
De plus la situation en Afghanistan mais aussi en Libye (et la tentative en Syrie), a démontré que la doctrine des changements de régimes, sans perspective claire post-conflit et sans identification précise des buts de guerre car brouillées par la doctrine de l’occidentalisation, c’est à dire la transformation civilisationnelle d’une population, n’est pas tenable en dehors de l’aire « occidentale ».
En réalité la poursuite des changements de régimes en Irak, Libye, Ukraine, et tentatives en Syrie et Biélorussie s’est s’inscrite dans les priorités géopolitiques des Etats-Unis et de leurs alliés proches européens . leur objectif était jusqu’à aujourd’hui d’intervenir sur les marges de l’Eurasie pour ralentir l’émergence de la multipolarité, affaiblir la Russie et la Chine et non pas en pririté l’islam politique et radical.
Aujourd’hui encore, plutôt que de maintenir un équilibre géopolitique entre puissances et s’entendre pour combattre le djihadisme, les gouvernements atlantistes s’accrochent à l’illusion d’un monde unipolaire en faisant la promotion d’une alliance des démocraties selon des critères idéologiques, mais qui masquent les ambitions hégémoniques de pouvoir des Occidentaux (selon sa définition issue de la guerre froide).
Ne serait-il pas temps de donner la priorité aux enjeux nationaux et régionaux en fonction de notre propre géographie. afin de ne pas être détourné de nos intérêts prioritaires dans l’optique de l’efficacité et de l’économie des moyens ?
Poursuivre le combat contre l’ennemi djihadiste dans le monde multipolaire
La France et ses alliés européens devraient établir un diagnostic géopolitique en fonction de leur propre géographie et priorités spatiales, et coopérer avec les Etats-Unis quand leurs intérêts sont identiques, et non pas s’aligner sur l’objectif d’un double endiguement de la Russie et la Chine
Les menaces pour la France se situent d’abord au niveau national/régional : Surmonter la fragmentation nationale issue de l’islamisation/africanisation, résultat de l’immigration extra-européenne et l’idéologie de la société ouverte (le mondialisme libéral atlantiste UE/OTAN) est la priorité.
Les nations et peuples arabes et africains rejettent de plus en plus la francisation, l’européanisation ou l’occidentalisation de leur société depuis les guerres coloniales. Dans le contexte post-colonial, il n’y a donc aucun complexe à avoir à refuser l’africanisation, l’arabisation et l’islamisation de la France. La lutte contre le prosélytisme islamistes en provenance des pays extra-européens, éviter les alliances à risque, contenir les futures crises migratoires. (instrumentalisées par la Turquie comme arme géopolitique), reprendre la maitrise du territoire national et refaire nation sont nécessaires pour contenir les fractures croissantes
Le contrôle de l’immigration, avec une réhabilitation des frontières, condition de la maitrise de notre territoire, nous mettra à le même enseigne que la plupart des grandes puissances, Russie, Chine, Inde, qui ont maintenu un contrôle strict des flux migratoires et la maitrise de leurs frontières.
Au niveau pan-européen, pour faire face à l’arc de crise au sud de la Méditerranée, source de la menace islamiste et migratoire, c’est un rapprochement franco-russe que serait judicieux, pour éviter à la France de se disperser sur deux fronts et renforcer les synergies pour contre le djihadisme .
Au niveau mondial, un rapprochement avec tous les Etats qui cherchent à rester non alignés face à la confrontation américano-chinoise serait judicieux. Le rapprochement franco-russe serait décisif afin de rétablir un meilleur équilibre dans le monde. Il pourrait éviter l’émergence d’un condominium américano-chinois et la dérive vers une Europe germano-américaine selon la vision euro-atlantiste exclusive UE/OTAN qui marginalise la France et nous détournent de nos priorités nationales et régionales.
La promotion d’un grande Europe (Atlantique au Pacifique) basée sur l’équilibre géopolitique et la réunification de la civilisation européenne, à l’inverse de l’exportation illusoire de la démocratie libérale de type occidentale permettrait à la France et ses partenaires européens d’atteindre un poids géopolitique suffisant.
En fin de compte, un bilan géopolitique des conséquences du 9/11 nous ramène aux principes gaulliens : la France doit rester la France dans ses caractéristiques organiques et civilisationnelles, faire face de manière résolue à ses ennemis et positionner la France comme facteur d’équilibre dans le monde multicentré.
Selon une hiérarchisation des priorités géopolitiques, la France devrait chercher avant tout à résoudre la question du chainon manquant de la sécurité européenne, précisément pou mieux combattre le djihadisme. dans les aires d’intérêt pour la France dans l’arc de crise au sud de la méditerranée, le Proche-Orient et l’Afrique.
Un nécessaire équilibre entre grandes puissances, Etats-Unis, Chine, Russie, Inde… devrait être aussi promu pour renforcer la stabilité et non pas poursuivre un illusoire monde unipolaire sous la houlette d’une alliance des démocraties.