Le conflit israélo-palestinien et les intérêts géopolitiques de la France
Les intérêts de la France comme nation d’équilibre ne se confondent avec aucun acteur international, et donc ni avec Israël, ni avec l’Ukraine et ni avec les Etats-Unis. La ligne directrice de Paris devrait être l’équidistance. Paris s’est pourtant de plus en plus démarqué des principes géopolitiques gaulliens, tant vis à vis de la Russie que d’Israël ( https://www.monde-diplomatique.fr/2023/11/BREVILLE/66256 ). Faire sienne les priorités géopolitiques de Tel-Aviv et Kiev, comme le fait aujourd’hui Paris, c’est entrainer la France dans des conflits qui ne la concernent pas, l’amène à absoudre les erreurs de ces Etats et en définitive, s’aligner sur les priorités géopolitiques de Washington. Dans le contexte de la bascule géopolitique mondiale, c’est enfermer la France dans le camp occidentaliste en régression stratégique inéluctable et l’empêche de tirer avantage du monde multipolaire.
Pour adopter une posture vis à vis de la nouvelle configuration internationale, il serait aussi plus stratégique et réaliste de distinguer entre les différents théâtres national, européen, proche-oriental et mondial.
Au niveau national il s’agit avant tout pour la France d’éviter d’importer le conflit israélo-palestinien, dont la guerre Hamas-Israël est une composante, sur le territoire français où réside les plus grandes communautés juive et arabe en Europe. Une nouvelle guerre des religions, résultante d’un prosélytisme islamiste interne et externe lié à l’immigration de masse et dont les crises migratoires successives aggravent la situation serait le pire des scénarios. Deux civilisation ne peuvent cohabiter sur le même territoire, et le principe de culture dominante est nécessaire à une nation. Il est donc urgent d’endiguer le prosélytisme des frères musulmans et toute idéologie islamiste, et repenser les relations avec les pays à risque comme le Qatar, la Turquie et l’Arabie Saoudite. En priorité, il est nécessaire de stopper l’immigration de masse qui fait mécaniquement augmenter le nombre de militants islamistes en France, particulièrement manipulables depuis l’étranger. Les communautés juives et arabo-musulmanes ne sont pas responsables de la situation au Proche-Orient. Par contre, les actions militantes provenant de toutes les communautés visant à fragmenter la nation selon l’idéologie communautariste d’inspiration anglo-saxonne devraient être combattues.
Il s’agit parallèlement de s’écarter de l’idéologie de la société ouverte d’inspiration néolibérale américaine, qui précisément permet aux idéologies extra-européennes comme l’islamisme (mais aussi le wokisme) de pénétrer facilement le territoire de la France. Le dogme de l’ouverture, de l’intégration économique et militaire euro-atlantiste et en fin de compte le dépassement de l’Etat-nation dans le projet européen renforce la dilution de la France ouverte à tous les flux de la mondialisation pilotée par le complexe Washington-OTAN-UE.
La nécessité d’un nouveau concert mondial des puissances
La configuration spatiale actuelle ne permet pas de surmonter les conflits multiples, anciens et nouveaux. Au minimum, les grands puissances en rivalité sur la répartition des espaces géopolitiques peuvent chercher à contenir les conflits régionaux et locaux afin de ne pas se transformer en affrontement à l’échelle mondiale.
Avec la fragmentation géopolitique du monde, les puissances secondaires, Israël et l’Iran par exemple vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, agissent de plus en plus en élections libres vis à vis des grandes puissances de stature mondiale comme les Etats-Unis ou la Russie et la Chine. Les mouvements comme le Hamas et le Hezbollah ont aussi des agendas de plus en en plus autonomes et cherchent à entrainer les puissances régionales vers l’internationalisation des conflits. Avec l’absence d’ordre spatial clair, les Etats-Unis et la Russie qui sont déjà en conflit en Ukraine pourraient ainsi être pris dans la spirale d’un nouveau front.
A minima, les grands puissances en rivalité pourraient chercher à contenir les conflits régionaux et locaux afin de ne pas se laisser entraîner dans un affrontement plus large à l’échelle mondiale.
En réalité, afin de contenir les conflits régionaux menaçant de dériver vers un conflit mondial plus grave, Washington, mais aussi Paris et Berlin auront de plus en plus besoin de Moscou et Pékin. Il n’est pas dans l’intérêt de la France et des Européens de se couler dans la vision idéologique des néoconservateurs à Washington qui accusent le Hamas et la Russie de menacer la démocratie et amalgament les deux acteurs selon une vision idéologique qui escamote les vrais enjeux géopolitiques de rivalités sur le territoire et d’équilibre de puissances.
En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, Joe Biden a annoncé qu’il agirait finalement pour mettre en œuvre la solution à deux Etats. Il s’agirait parallèlement d’écarter le Hamas et assécher ses soutiens au profit d’une autorité palestinienne en faveur d’un Etat nation non basé sur l’idéologie islamiste, endiguer l’Iran pour éviter l’ouverture d’un nouveau front via le Hezbollah, mais aussi modérer Israël dans sa contre-offensive à Gaza et éviter une nouvelle occupation à Gaza (ce qui revient à faire pression pour l’abandon du Grand-Israël? ). Ce nouvel agenda ne pourra pas être mis en œuvre au seul profit de la nation « essentielle » et sans un concert mondial des puissances qui exerce des pressions sur toutes les parties, et pas seulement les Palestiniens. Le conflit israélo-palestinien devrait ainsi être abordé selon l’angle territorial, et pas selon l’unique prisme du terrorisme.
Au niveau mondial, la France n’a pas les moyens d’agir de manière décisive et à vrai dire aucune puissance n’a plus les moyens de le faire, sans entente sur un nouveau système international. Tous les conflits régionaux sont enchevêtrés et inexorablement aspirés dans la lutte de répartition des espaces géopolitiques entre grandes puissances. L’arène mondiale est aujourd’hui caractérisée par l’ère de crises permanentes et dérive dangereusement vers une forme de troisième guerre mondiale. Agir au niveau mondial pour la limitation des conflits exige une multipolarité acceptée entre grands puissances. C’est une mutation de l’ordre spatial au niveau mondial qui pourrait donc aider à endiguer les conflits régionaux.
Ce scénario positif pour la stabilité mondiale est peu probable à ce stade sans changement de paradigme et donc renouvellement des dirigeants politiques, surtout dans le monde occidental. La nouvelle crise au Proche-Orient qui se déroule parallèlement à la guerre en Ukraine, pourrait portant provoquer à terme le déclic permettant l’ouverture de négociations au sein d’un nouveau concert des puissances mondiales. Ce format œuvrant pour un nouvel ordre spatial et géopolitique inclurait nécessairement le Proche-Orient mais aussi l’Europe déstabilisée par la question ukrainienne, faute de quoi aucune entente globale ne sera possible. C’est l’acceptation par les grandes puissances d’un nouvel ordre spatial et géopolitique qui ouvrira les perspectives d’un nouveau multilatéralisme basé sur la diversité des civilisations et non pas des principes unipolaires comme d’un côté l’occidentalisation américaine et de l’autre, l’islamisation du monde. La légitimité des puissances reposera dans ce nouvel ordre spatial sur la capacité à imposer la stabilité et la paix dans les zones d’influences respectives.
Dans cette perspective, la France comme nation d’équilibre pourrait renouer son dialogue stratégique, non seulement avec la Russie et la Chine, mais aussi la Syrie, l’Iran et non pas uniquement les Etats plus proches du bloc occidentaliste.
Une nouvel ordre spatial acceptable devrait en priorité pour la France parachever une stabilisation du continent eurasien sur l’axe Paris-Berlin-Moscou-Pékin, afin d’éviter une vassalisation de l’UE dans l’euro-atlantisme exclusif provoqué par le pourrissement du conflit en Ukraine.
Avec les crises simultanées au Proche-Orient et en Ukraine, la France et l’Europe, coincées entre deux arcs de crises, l’un au sud avec la crise migratoire, les déstabilisations issues du printemps arabe, le terrorisme islamiste, le conflit israélo-palestinien, et l’arc de crise à l’est avec la Russie, sont enfermées dans la pire configuration géopolitique depuis la guerre froide (voir carte 3 : l’Union européenne coincée entre deux arcs de crise).
Les changements de régimes, interventions militaires et guerres par procuration, avec le concours des extrémistes islamistes comme en Syrie ou des nationalistes et néonazis nostalgiques de l’indépendantiste ukrainien Stepan Bandera pour Kiev (https://www.monde-diplomatique.fr/2022/03/RIMBERT/64441 ) ont abouti à cette configuration qui menace la sécurité mais aussi la marge de manœuvre géopolitique de la France. Ces déstabilisations ont été provoquées par Washington et ses alliés de l’OTAN, souvent avec Paris sous l’influence des idéologues néoconservateurs et extrémistes atlantistes en Serbie, Irak, Libye, Ukraine, Syrie, pour imposer et préserver la suprématie géopolitique de Washington dans l’espace euro-atlantique en expansion, Lors de la guerre américaine en Irak en 2003, Paris qui n’était pas encore sous l’hégémonie des idéologues atlantistes, avait refusé avec raison d’y participer et avait fait la promotion visionnaire d’une Europe continentale sur l’axe France-Allemagne-Russie.
Pour faire face aux menaces provenant de l’arc de crise Sud qui s’enchevêtrent avec la menace islamiste sur le territoire français et européen, il serait judicieux d’ éviter de se disperser sur deux fronts. Cela signifie un rapprochement avec la Russie pour surmonter le conflit en Ukraine (notamment stopper définitivement les élargissements de l’OTAN) et négocier une nouvelle architecture européenne de sécurité dans un monde multicentré. (voir carte 4 : avantages géopolitiques pour la France d’un pivot vers la Russie), ce d’autant plus que la Russie est ouverte à la négociation sur un nouvel ordre spatial et géopolitique, mais sur un pied d’égalité géopolitique et sur le principe des intérêts communs européens et non pas occidentalistes
C’est la seule option qui fait sens pour la France d’un point de vue géopolitique.