Le Nouvel Ouzbékistan et sa constitution amendée par référendum : une très large approbation populaire
Lors du référendum pour les changements de la constitution en Ouzbékistan organisé le 30 avril 2023, les citoyens uzbeks ont largement approuvé les amendements avec 90,21 % des voix et un taux de participation de 84,54 %. Ce plébiscite des citoyens pour les amendements de la constitution inaugurant le « Nouvel Ouzbékistan », légitime la voie tracée par le président de la république d’Ouzbékistan Shavkat Mirziyoyev.
L’organisation de ce référendum a été très minutieuse, comme à chaque évènement électoral. Outre la motivation des nombreux citoyens bénévoles pour l’organisation de cet évènement et des agents de l’Etat, l’Ouzbékistan a la chance de posséder de nombreuses infrastructures, universités, écoles, théâtres, bibliothèques, salles de concert, bâtiments administratifs, un gage de succès pour l’organisation de ce type d’évènement.
Le modèle ouzbek a aussi pour ambition de réformer le pays vers la modernisation, mais en préserver son enracinement hérité de ses très riches héritages culturels et civilisationnels. Chaque nation a le droit de choisir son propre modèle politique, adapté en fonction de ses déterminants géographiques et historiques. Si l’Ouzbékistan s’inspire pour ses réformes de nombreux pays dans le monde, tant en Occident qu’en Asie, il n’est pas question d’importer intégralement des modèles occidentaux qui ne lui sont pas adaptés. Certains médias en Europe sous-estiment cet aspect et projettent leur propre modèle ou idéologie sur l’Ouzbékistan, sans connaître les conditions réelles du pays, ni ses besoins. L’Etat ouzbek se réforme mais doit préserver sa capacité à piloter les réformes et les mettre en œuvre de manière graduelle, afin que les citoyens mais aussi les réseaux plus traditionnels puissent s’approprier ces changements afin d’accepter plus de pluralisme. Avant le référendum, des nombreuses consultations des citoyens ont été organisées afin de faire remonter des idées et propositions.
Depuis son dépendance en 1991, le pays s’est transformé de manière continue et tous les observateurs attentifs qui ont rendu visite à ce pays de manière régulière ont été impressionnés par la construction de nouvelles universités, écoles, centre culturels, infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires, de nouveaux quartiers résidentiels et même des villes nouvelles.
C’est pourquoi l’Ouzbékistan, de manière judicieuse, fait des réformes à petits pas mais de manière résolue, pour ne pas fragiliser l’édifice construit progressivement depuis son indépendance. L’Ouzbékistan est aussi un pays d’Asie où la cohésion de la communauté est considérée comme plus importante qu’en Europe. En Ouzbékistan la majorité de la population considère que c’est un atout à préserver, tandis que dans les pays trop occidentalisés, la dérive vers l’individualisme outrancier fissure les sociétés.
Les innovations de la constitution, tout en préservant l’acquis depuis l’indépendance, inaugurent un Etat plus social, un renforcement significatif de l’Etat de droit couplée à une défense plus résolue des droits de l’Homme. Ces innovations constitutionnelles donneront plus de marges de manœuvre aux individus et plus de décentralisation au niveau des régions pour les décisions économiques. Le pouvoir des assemblées est aussi significativement renforcé. Deux mesures phares à noter : la peine de mort sera abolie et les temps de gardes à vue de la police alignée sur les standards européens.
La phase de mise en œuvre coïncidera avec un nouveau mandat présidentiel
Le 8 mai, soit une semaine après le référendum, le président de la République d’Ouzbékistan, Shavkat Mirziyoyev, a présidé une réunion avec les chefs des chambres de l’Oliy Majlis, les partis politiques, les autorités judiciaires et exécutives, et des membres du public. Les résultats du référendum organisé le 30 avril dernier sur la nouvelle Constitution de la République d’Ouzbékistan ont été examinés et des décisions importantes ont été prises pour réussir la phase cruciale de mise en œuvre des changements.
Puisque les citoyens ont approuvé les changements de la constitution à une large majorité, cela signifie que le processus d’inauguration d’un « Nouvel Ouzbékistan » basé sur les trois piliers « personne – société – État » est légitime puisqu’il bénéficie du soutien de la nation.
Maintenant, les tâches les plus importantes attendent l’Etat, à savoir la mise en œuvre des différentes dispositions des nouvelles innovations dans la constitution. Ce processus est pris très au sérieux, car en raison de ce vote en faveur des changements et des améliorations, il y a en conséquence une très grande attente politique de la part des citoyens qui souhaitent voir dans la vie réelle les changements escomptés.
C’est pourquoi le président de la République d’Ouzbékistan Shavkat Mirziyoyev, a décidé de convoquer des élections anticipées (avant la fin de son mandat de trois ans et demi), afin de disposer d’un mandat fort pour mettre en œuvre le processus politique du « Nouvel Ouzbékistan », étant donné qu’un système renouvelé de pouvoir d’État est nécessaire pour mener à bien une telle tâche et répondre aux attentes des citoyens.
La nouvelle constitution renforce d’abord l’orientation de l’Ouzbékistan en tant qu’État social et les obligations sociales de l’État sont multipliées par trois. Pour mettre en œuvre cette nouvelle disposition, 30 à 40 milliards d’UZS supplémentaires du budget de l’État seront alloués chaque année et concentrés sur de nouveaux jardins d’enfants, écoles et hôpitaux, mais aussi sur l’éducation, la science et la recherche.
L’État de droit et les dispositions relatives aux droits de l’homme font également l’objet d’une attention particulière, l’accent étant mis sur la justice et la protection des droits individuels.
L’autre proposition forte de ce discours est l’accent mis sur l’éducation, en particulier celle des jeunes, afin que ce nouveau processus soit bien compris et bénéficie du soutien total des générations futures. Par conséquent, le travail sera organisé avec une étude approfondie de la Constitution dans chaque établissement d’enseignement, organisation, agence, entreprise et dans les mahallas structures de démocratie locale qui maillent le territoire.
La promotion du processus de décentralisation et d’autonomisation, qui fait partie des nouvelles dispositions de la Constitution, est un autre point fort. Pour résoudre les problèmes liés aux régions dans le cadre de la réforme des conseils locaux, le Sénat leur fournira une assistance et organisera des sessions sur le terrain dans les industries et les régions et veillera à l’application des lois, en particulier dans les mahallas.
Les réactions internationales
L’amendement le plus commenté dans les médias européens a été la prolongation du mandat présidentiel qui passera de 5 à 7 années. Cette modification est souvent incomprise en Europe, car les médias ne prennent pas en compte la culture politique spécifique de l’Ouzbékistan, son histoire, sa géographie, et les défis associés. Ce changement permettra plus de donner plus de temps à chaque présidence pour mettre en œuvre les réformes, car la continuité est important dans un pays en mutation rapide et qui fait face à de nombreux défis géopolitiques, économiques et sociétaux. Rappelons que dans la constitution française de 1958 élaborée par le général de Gaulle, le mandat présidentiel était de 7 années, mais fut réduit à 5 ans, provoquant une plus grande difficulté pour les présidents français à inscrire les réformes dans la durée en raison des perspectives électorales de court terme. Pour un pays comme l’Ouzbékistan, la stabilité politique est cruciale, car ce pays fait face à des défis redoutables.
Perspectives
Entre 1960 et 2021, le nombre d’habitants en Ouzbékistan est passé de 8,53 millions à 34,92 millions, cela signifie une augmentation de 309,5% en 61 ans. Ainsi la population de l’Ouzbékistan atteindra selon les prévisions les 45 millions en 2050. Il faudra ainsi un développement économique soutenu pour offrir des emplois au nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail. Les amendements de la constitution ont pour ambition de répondre aussi à ce défi.
Du point de vue géopolitique, les défis sont en effet très importants, Dans le contexte de rivalité croissante entre grandes puissances en Eurasie et dans le monde, l’Ouzbékistan, pivot de l’Asie centrale, a choisi une politique multivectorielle, c’est à dire un équilibre subtil entre grands acteurs mondiaux afin de préserver sa stabilité et son autonomie de décision. Le lancement d’une plus grande coordination régionale entre Etats d’Asie centrale dès 2016, est destiné graduellement à favoriser un rapprochement régional.
Il est significatif que l’Ouzbékistan n’ai participé à aucun conflit depuis son indépendance, ce qui représente un énorme succès géopolitique, dans un environnement difficile avec des forces terroristes en Afghanistan et les rivalités ethniques régionales qui ont été contenues. Les réformes internes doivent être graduelles pour ne pas fissurer le pays et éviter d’importer les nombreuses fractures géopolitiques qui émergent au niveau international.
Dans la nouvelle configuration géopolitique actuelle, les zones clés pour la stabilité de l’Eurasie sont les Balkans européens, les Balkans caucasiens et les Balkans eurasiens mais aussi l’arc de crise de la Méditerranée à l’Asie occidentale avec l’Afghanistan, et l’arc de crise de la mer Arctique, Baltique vers la Mer Noire et Méditerranée. Les Etats européens ont intérêt à la stabilité géopolitique de ces différentes zones. L’Asie centrale, au bord de l’Afghanistan, doit rester une zone de stabilité, tant pour les pays d’Asie centrale que les Etats européens, la Russie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et la Chine. L’erreur géopolitique des Etats issus de l’ex-URSS qui ont choisi la politique des blocs en cherchant à vouloir adhérer à l’OTAN est manifeste, car ils se sont transformés en Etats fronts (Ukraine-Géorgie) et sont menacés par la fragmentation et les conflits internes et externes. C’est une leçon géopolitique à prendre en compte et montre le choix judicieux de l’Ouzbékistan à rester en dehors de alliances militaires.
L’Ouzbékistan, pays doublement enclavé, a donc intérêt à se positionner comme un territoire connecté aux routes de la soie chinoise, à participer aux projet de la Grande Eurasie promue par la Russie et à coopérer avec l’Union européenne pour promouvoir des projets de coopérations tout azimuts. Aider l’Ouzbékistan à réussir sa une mise en oeuvre effective du Nouvel Ouzbékistan, est dans l’intérêt de toute l’Eurasie.