Le tropisme euro-atlantiste du projet européen  : une impasse pour les Européens

Le tropisme euro-atlantiste du projet européen : une impasse pour les Européens

L’ancrage de l’Union européenne de manière exclusive dans une communauté euro-atlantique permettrait-il aux Européens de se positionner comme pôle de puissance dans un monde multicentré, à l’horizon 2030-2035? L’anticipation en géopolitique est un exercice périlleux. L’Union européenne aura subi des changements profonds d’ici 2030, et les crises à venir internes et externes modifieront nécessairement le cours de choses. On peut néanmoins faire des hypothèses à partir de la situation existante mais aussi des temps longs sur les conséquences géopolitiques de cette orientation euro-atlantiste.

Ce scénario est la concrétisation d’une vision géopolitique qui a pour idéal la constitution d’une communauté euro-atlantique sur la base d’une alliance privilégiée entre les États-Unis d’Amérique et les États européens[1]. L’idéal euro-atlantiste considère que les États des deux côtés de l’Atlantique sont unis avant tout par des intérêts géopolitiques communs face à des adversaires mais aussi par la défense de valeurs communes, ce qu’on nomme aujourd’hui de manière floue, la démocratie libérale de type occidentale. Cette vision trouve ses origines dans la Première et la Deuxième Guerre Mondiale et ensuite la Guerre Froide. La condition pour appartenir à cet ensemble est l’acceptation d’un ancrage occidental, le chef de file de cet ensemble occidental étant les États-Unis. De manière implicite, cela signifie un alignement plus ou moins variable sur les priorités géopolitiques des États-Unis selon une vision unipolaire du monde. Le scénario exclusif euro-atlantiste oriente donc les Européens vers l’espace atlantique et inhibe une orientation alternative vers l’espace eurasien, ainsi que la pratique d’un équilibre géopolitique entre les deux espaces, donc entre les États-Unis et la Russie, mais aussi la Chine.

Le tropisme euro-atlantiste du  projet européen  

Le projet européen porté par l’Union européenne est en réalité intimement lié dès ses origines avec la vision euro-atlantiste, depuis la conception de Jean Monnet dans les années 50 jusqu’à aujourd’hui. En effet, Jean Monnet concevait la relation entre les États européens participant au projet européen et les États-Unis idéalement comme une association de partenaires égaux dans le cadre général d’une unité occidentale[2]. L’objectif était de rétablir un équilibre entre la France et l’Allemagne et faire face à l’Union soviétique avec l’appui des États-Unis. Ce tropisme a toutefois été concurrencé par la vision stratégique du général de Gaulle (1958 à 1969), de l’« Europe européenne », c’est à dire une Europe des patries, refusant la logique des blocs et donc prenant son indépendance vis à vis des Etats-Unis, à partir d’un noyau franco-allemand. Il a aussi anticipé une Europe de l’Atlantique à l’Oural lorsque la Russie serait sortie du communisme. Tant que l’URSS restait la menace principale, la France devait rester dans l’Alliance atlantique, mais sans intégration militaire dans l’OTAN, et en préservant l’indépendance et la souveraineté de la France, notamment avec l ‘arme nucléaire. Quand il l’estimait nécessaire, il pratiquait aussi l’équilibre entre Etats-Unis et URSS, pour élargir la marge de manœuvre de la France. Cette vision alternative portée essentiellement par la France a eu pour conséquence un clivage fort entre partisans de l’ « Europe intégrée » et  l’« Europe des nations » jusqu’à aujourd’hui. Ce débat refait régulièrement surface dans les débats politiques en France, mais il est resté jusqu’à présent minoritaire dans les représentations qui ont cours dans les institutions européennes à Bruxelles. Le projet européen est donc resté hybride car issu de deux conceptions différentes. Les finalités géopolitiques du projet européen n’ont donc jamais été tranchées.

Après la Guerre Froide et la disparition de l’URSS, cette ensemble euro-atlantique s’est élargi vers l’Est. L’élargissement de l’Alliance atlantique a précédé celui de l’Union européenne, selon la vision des États-Unis, qui considèrent que les deux organisations, selon une synergie euro-atlantiste, ont vocation à s’élargir à tous les membres du Conseil de l’Europe, sauf la Russie. Cela correspond aussi à la vision allemande de poursuivre le processus d’occidentalisation plus à l’Est pour positionner l’Allemagne au centre de l’Union européenne et entourée d’alliés euro-atlantistes. C’est pourquoi l’Union européenne est complémentaire de l’OTAN et donc intimement liée au États-Unis, considérés comme son partenaire principal[3].

La voie qui tend à privilégier une orientation exclusive euro-atlantiste  de l’Union européenne, en opposition avec la Russie, s’est renforcé depuis la crise provoquée par le changement de régime en Ukraine en 2014. Elle a abouti au rattachement de la Crimée à la Russie et au conflit dans le Donbass. Le détachement de l’Ukraine du monde russe fait partie du projet unipolaire des États-Unis et de leurs alliés les plus proches, pour ralentir l’émergence de la multipolarité mondiale (carte 1 : Union occidentale euro-atlantiste).

Le scénario exclusif euro-atlantiste et équilibré est-il réalisable ? Le facteur Trump

Quelles sont les conditions à remplir pour une évolution vers un scénario euro-atlantiste idéal à l’horizon 2030-2035, c’est à dire un partenariat équilibré entre les deux façades de l’Atlantique conformément à la vision originelle de Jean Monnet? Cette vision comporte sans doute une logique de pouvoir avantageuse pour l’Union européenne, si un équilibre entre ses États membres et les États-Unis pouvait être réalisé au sein d’une « Union occidentale[4] », ce qui suppose aussi la poursuite du projet européen vers son unification politique ou une forme d’Europe puissance.

Pour que cet espace euro-atlantique puisse se structurer et aboutir à une union euro-atlantique, avec un équilibre relatif entre les deux pôles, il faudrait deux conditions minimales :

  • Les partenaires des deux côtés de l’Atlantique devraient partager des finalités géopolitiques semblables, et un socle minimal commun de valeurs. Or les finalités géopolitiques du projet européen n’ont encore jamais été tranchées. La difficulté est le nombre des États membres de l’Union européenne (28 et 27 après Brexit) qui ne sont pas à l’unisson, ni sur une trajectoire bien déterminée, ni la définition des valeurs, à l’image de la fragmentation géopolitique croissante du monde.
  • L’Union européenne devrait pouvoir se constituer comme pôle de puissance et équilibrer le pôle américain, mais sans lui être antagoniste, donc qui puisse l’équilibrer mais en restant complémentaire. Cette configuration comporte en soi une contradiction.  Il est difficile d’être complémentaire mais de faire aussi équilibre, car la complémentarité induit la hiérarchie et l’alignement de l’un sur les priorités de l’autre, tandis que l’équilibre implique un contrepoids, donc l’existence d’une rivalité géopolitique.

Le modèle exclusif euro-atlantiste était le scénario privilégié de l’Union européenne dans les représentations dominantes jusqu’à l’élection de Donald Trump en 2016. Or les interrogations liées aux déclarations très critiques de Donald Trump vis-à-vis de l’UE et de l’OTAN ont cependant introduit un grand élément d’incertitude. Il ne semble pas souscrire à la même vision euro-atlantiste exclusive que les Européens. Le scénario euro-atlantiste est-il périmé pour autant ?

Carte 1

Le scénario exclusif euro-atlantiste s’inscrit dans le cadre de la posture géopolitique des États-Unis à l’échelle mondiale

Le scénario exclusif euro-atlantiste est en réalité tributaire de la vision géopolitique des États-Unis à l’échelle mondiale et sur les temps longs, puisqu’ils sont les chefs de file de l’alliance euro-atlantique.

Avec une continuité remarquable, les États-Unis cherchent depuis plus d’un siècle à empêcher l’émergence d’une puissance sur le continent eurasien qui puisse défier leur prépondérance mondiale. Cette constante géopolitique depuis la Première Guerre mondiale avait été remise à l’ordre du jour dès la fin de la Guerre Froide avec la doctrine Wolfowitz en 1992. Paul Wolfowitz[5] avait souligné que la mission de l’Amérique dans l’ère de l’après-guerre froide consisterait à s’assurer qu’aucune superpuissance rivale ne soit autorisée à émerger en Europe occidentale, en Asie ou sur le territoire de l’ancienne Union soviétique[6]. La représentation stratégique de Zbigniew Zbrezinski[7], qui avait aussi fait de l’Eurasie l’enjeu principal de la posture géopolitique des États-Unis, a exercé une influence[8] certaine dans l’administration américaine. Cet objectif a été explicitement remis sur la table en 2018 par Aaron Wess Mitchell, secrétaire d’État adjoint pour l’Europe et l’Eurasie au département d’État sous la présidence de Donald Trump. Il a démissionné en janvier 2019, mais sa courte présence au département d’Etat (2017-2019) montre néanmoins que cette représentation géopolitique américaine traverse les différentes présidences.

La représentation géopolitique de Aaron Wess Mitchell renseigne donc un peu plus sur la stratégie des États-Unis sur les temps longs, malgré le sentiment d’incertitude qui règne sur la doctrine des États-Unis. On retrouve ici les objectifs géopolitiques de longue haleine des États-Unis. Ainsi, il a précisé que  « lors de trois guerres mondiales, deux chaudes et une froide, nous avons aidé à unifier l’Occident démocratique pour empêcher nos opposants brutaux de dominer l’Europe et le Rimland à l’Ouest de l’Eurasie »[9]. Ainsi, sans surprise, la Russie et la Chine ont été désignés comme les adversaires stratégiques des États-Unis alors que la Guerre froide est terminée depuis plus d’un quart de siècle, car ils « contestent la suprématie des USA et leur leadership au 21ème siècle ». On retrouve ici avec constance l’objectif des États-Unis de contrôler l’Eurasie afin d’empêcher un rival géopolitique d’y émerger à nouveau et relativiser leur propre puissance mondiale

A l’horizon 2030-3035, cette situation a peu de chances d’évoluer, puisque cette posture des États-Unis est celle des temps longs et a été évoquée à nouveau de manière explicite. On ne peut toutefois écarter une crise majeure qui bouleverse les paradigmes actuels mais un tel focus dépasse le cadre de cette analyse. Les États-Unis font de l’Europe un  « Rimland », c’est-à-dire un espace côtier sous leur contrôle qui bloque une orientation de l’Union européenne vers l’espace eurasien, et donc vers la Russie, mais aussi la Chine par voie continentale. L’Europe n’est qu’un des théâtres de leur stratégie géopolitique vis-à-vis de l’Eurasie, qui consiste à envelopper ce continent par les fronts est-européen et indo-pacifique (carte 2 : Géopolitique de la nouvelle rivalité des puissances). Une orientation exclusive selon le scénario euro-atlantiste implique donc pour les Européens de se positionner dans les limites imposées par les priorités géopolitiques des États-Unis, et d’agir en conformité ou de s’abstenir. Dans cette configuration, une politique d’équilibre des Européens en fonction de leur propre géographie est donc rendue très difficile. Le scénario exclusif euro-atlantiste rend impossible in fine pour les Européens de décider de leurs propres finalités, faute d’avoir élaboré leurs propres priorités. Ce scénario tendanciel affaiblit les Européens car il fait d’eux une variable d’ajustement de la géopolitique mondiale.

Carte 2

Depuis l’élection de Donald Trump, il s’est par ailleurs créé un mythe sur la posture bienveillante[10] des États-Unis. Le caractère exceptionnel des États-Unis est toujours resté le fondement de leur politique internationale et leur posture est restée sur la même trajectoire. Après le choix explicite de l’« Amérique d’abord » de Donald Trump, le débat sur les finalités européennes a redémarré avec les projets de coopération en matière de défense. Il peine pourtant à secouer l’apathie stratégique et géopolitique, car il arrive au mauvais moment pour l’Union européenne. Le contexte interne et externe est à l’incertitude. L’Union européenne fait face actuellement à une phase de régression géopolitique sous la pression de l’empilement des crises internes et externes, le Brexit et l’émergence du monde multipolaire. L’impact réel des projets destinés à renforcer une « souveraineté européenne » , concept discutable, ne sont mesurables que dans le long terme. Toutefois il est douteux que dans leur forme actuelle, ils permettent un véritable saut qualitatif[11].

La stratégie des États-Unis a pour objectif de ralentir l’émergence du monde multicentré qui menace l’héritage unipolaire de l’après-Guerre froide. Si l’OTAN était l’un des vecteurs pour atteindre cet objectif, la relativisation de son importance qui s’accélère depuis l’arrivée de Donald Trump ne remet pas en cause ce réflexe géopolitique. Le vrai test de solidarité transatlantique se mesurera également au fil des crises ainsi qu’avec la volonté ou non d’agir dans le cadre de l’OTAN. Il semble toutefois que les coalitions de volontaires soient désormais privilégiées de manière durable. Le nouveau président américain privilégie les relations bilatérales et les rapports de forces, y compris avec les alliés. La tactique change, mais la vision stratégique demeure. Tout en cherchant à préserver la prépondérance américaine et ralentir l’émergence d’un monde multicentré, il y a acceptation d’une forme de multipolarité asymétrique de la part de Donald Trump avec les grands adversaires stratégiques des Etats-Unis, mais elle se met en place à l’exclusion de l’Union européenne. Celle-ci s’arc-boute sur des paradigmes différents comme le multilatéralisme et ses États membres sont incapables de faire contrepoids aux États-Unis selon la doctrine de l’équilibre des forces. La plupart des gouvernements des Etats membres aussi bien de l’UE que de l’OTAN s’accrochent à de vieux principes, à contrecourant de leur allié principal. L’Union européenne se trouve ainsi réduite au statut de zone tampon, comme théâtre de la manœuvre américaine en Eurasie, et une périphérie de plus en plus divisée et instrumentalisée par les États-Unis. Un scénario exclusif euro-atlantiste mais asymétrique et hiérarchique au profit des États-Unis et non pas équilibré selon l’idéal euro-atlantiste se met ainsi en place.

Quelles sont les conséquences géopolitiques du scénario euro-atlantiste asymétrique et hiérarchique ?

Le scénario exclusif euro-atlantiste et ses conséquences géopolitiques pour les Européens

Le spectre du  G2 américano-chinois : Au niveau mondial, le scénario exclusif euro-atlantiste a des implications importantes vis-à-vis d’une éventuelle confrontation entre les États-Unis et la Chine pouvant déboucher soit sur un conflit grave, soit un G2 américano-chinois. Face au scénario d’une dégradation des relations sino-américaines évoluant vers une stratégie d’endiguement de la Chine par les États-Unis, l’Union européenne s’effacerait probablement face aux priorités américaines selon le scénario exclusif euro-atlantiste (Carte 3 : Les options géopolitiques des Européens face à la rivalité américano-chinoise).

Carte 3

La dégradation de la sécurité européenne avec l’encerclement de l’Eurasie : Si l’on s’est inquiété en Europe d’un pivot asiatique, les États-Unis sont pourtant encore présents en Europe avec le déploiement du bouclier anti-missile après le retrait des États-Unis du traité ABM (limitation des systèmes d’armes anti-missile) en 2002. L’annonce du retrait des États-Unis du traité FNI (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire) en 2019 pose à nouveau la question de l’installation de nouveaux missiles en Europe, même si les États membres de l’OTAN sont divisés sur la question. Les élargissements successifs de l’OTAN, la prolifération des bases militaires, les politiques de changements de régimes dans la périphérie de l’Union européenne ont abouti à une nouvelle fracture européenne continentale. La tentative d’accélération du détachement de l’Ukraine du monde russe en 2014 par les gouvernements euro-atlantistes, le retour des équipements militaires et des manœuvres aux frontières de la Russie, même s’ils n’atteignent pas le niveau de la Guerre froide. a réactivé un front géopolitique en Europe. L’encerclement de l’Eurasie, donc de la Russie et la Chine, ont des conséquences déstabilisatrices pour le continent eurasien avec le renforcement des méfiances réciproques. En effet, la stratégie qui consiste à repousser la Russie dans ses terres continentales provoque logiquement en retour des réactions de la Russie qui affectent la sécurité de l’Europe (carte 4 : Le bouclier anti-missile et la perception d’encerclement de la Russie et de la Chine).

Carte 4

 

Les Européens coincés entre deux arcs de tensions : La prépondérance de la vision euro-atlantiste, sans contrepoids par des politiques de rééquilibrage substantielles de l’Union européenne dans d’autres ensembles (vis-à-vis de l’Eurasie avec la Russie, la Chine, mais aussi l’Afrique et l’Amérique du Sud) a eu pour conséquence de coincer les Européens entre deux arcs de tensions. Avec l’accroissement des crises et l’apparition de nouvelles fractures, l’Union européenne ne s’est toujours pas émancipée vis à vis des États-Unis, alors que les divergences s’accumulent sur différents dossiers (Iran, Commerce) et que les perceptions de sécurité ont simultanément divergé de plus en plus entre ses États-membres, avec la menace provenant de l’est ou du sud (carte 5 : L’UE dans l’angle de deux arcs de tension).

Carte 5

 

Conclusion

La vision euro-atlantiste avait surtout un sens lors de la Guerre froide, avec l’URSS comme ennemi clairement désigné. Or la situation géopolitique a changé. A l’horizon 2030, le scénario tendanciel de l’Union européenne, si elle ne se réforme pas, est pourtant de rester prisonnière de l’euro-atlantisme, alors que cette vision n’est plus portée par son allié principal.

Les conditions pour un scénario euro-atlantiste équilibré avec un pôle américain et un pôle européen ne sont pas réunies. Les États membres de l’Union européenne sont devenus de plus en plus dépendants des États-Unis qui reste leur arsenal militaire, vulnérables à leurs législations extraterritoriales, à leur contrôle du cyberespace avec les GAFA, aux liens financiers et commerciaux, à leur domination culturelle de masse et celle des idées avec les think tanks euro-atlantistes hégémoniques. Le lien fort avec les États-Unis, qui ont été jusqu’à présent au cœur de la mondialisation et de ces flux géopolitiques, a progressivement affaibli l’héritage westphalien des nations européennes suite à leur adhésion à l’idéologie de la société ouverte et multiculturaliste. La démocratie libérale d’inspiration américaine et l’immigration de masse qui lui est liée accélèrent les conflits de civilisation avec l’islam radical sur le territoire européen qui dérive vers un sous-ensemble sans squelette de la mondialisation. Avec Donald Trump et « America First », ce partenariat devient de plus en plus asymétrique et hiérarchique au détriment de l’Union européenne. L’Amérique de Trump semble favoriser une forme de multipolarité, mais sans l’Union européenne. Le maintien d’un scénario exclusif euro-atlantiste par inertie permet en réalité pour les gouvernements européens d’éviter les responsabilités. C’est la pente la plus facile, mais elle est lourde de conséquences pour l’avenir, notamment la marginalisation des Européens dans le jeu mondial. Or à plus long terme, la position géographique différente des États-Unis et de l’Union européenne est susceptible d’affaiblir inexorablement le lien transatlantique et le maintien du caractère exclusif du scénario euro-atlantiste. La trajectoire euro-atlantiste entre en contradiction avec l’émergence d’un monde multicentré. L’émergence des nouvelles forces politiques que l’on nomme « illibérales »  en Europe et aux États-Unis tendent aussi à réhabiliter les priorités  nationales contre les excès de la mondialisation. Elles sont susceptibles de distendre le lien euro-atlantique au profit de relations plus précaires et la généralisation des coalitions de volontaires plus fluides.

[1] Selon une définition plus large, il s’agit d’un espace constitué des États membres de l’Alliance atlantique, donc composé des États-Unis, du Canada et des États membres européens, mais aussi par extension de toute l’Union européenne car l’UE se veut complémentaire de l’OTAN, et des États qui souhaitent rejoindre les deux organisations et qui ont choisi une orientation géopolitique occidentale.

[2] MONNET Jean, « Mémoires », Fayard, 1976, 642 p.

[3] https://europa.eu/globalstrategy/sites/globalstrategy/files/eugs_fr_version.pdf

[4] BALLADUR Édouard, « Pour une Union occidentale entre l’Europe et les États-Unis », Fayard, 2007, 121 p

[5] Sous-secrétaire à la Défense chargé de la planification aux États-Unis, de 1989 à 1993

[6] https://www.nytimes.com/1992/03/08/world/us-strategy-plan-calls-for-insuring-no-rivals-develop.html

[7] ZBREZINSKI  Zbigniew,  « Le grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde », Bayard 1997, 275 p.

[8] VAISSE Justin, « Zbigniew Brzezinski, stratège de l’empire » , Odile Jacob, 2016   417 p.

[9] https://ee.usembassy.gov/a-s-mitchells-speech/

[10] BASLE Jean-Luc, « États-Unis: le mythe de l’isolationnisme bienveillant », Revue Politique et Parlementaire, p.89-99,  Avril septembre 2018, N° 1087-1088

[11] D’ou le choix de la plupart des États membres de  l’OTAN de continuer à s’approvisionner en matériel militaire américain, notamment l’avion de combat  F 35.