Les risques géopolitiques d’une adhésion de la Moldavie à l’UE

Les risques géopolitiques d’une adhésion de la Moldavie à l’UE

La Moldavie, dont les négociations pour l’entrée dans l’Union européenne (UE) ont débuté comme pour l’Ukraine le 25 juin 2024, a aussi été le premier pays à signer un accord de défense et de sécurité avec l’Union européenne (UE)[i]

Le processus de négociation d’adhésion est très encadré avec la nécessité pour la Moldavie de remplir des critères [ii] de nature économique et politique. Toutefois les enjeux les plus importants sont de nature géopolitique, et ont été entièrement escamotés par l’UE.

La Moldavie est un pays fragmenté au carrefour des rivalités géopolitique entre grandes puissances mais aussi entre Etats régionaux. La Transdniestrie, située entre la Moldavie et l’Ukraine, a fait sécession après la dissolution de l’URSS  après une guerre en 1992 contre la Moldavie. Une base militaire russe de 1 500 militaires rempli depuis une mission de maintien de la paix à la suite de l’arrêt des combats et de l’indépendance de facto de ce territoire

Ce conflit gelé qui menace d’être réactivé, est un facteur supplémentaire d’aggravation de la rivalité systémique non seulement entre la Moldavie, la Roumanie et la Transdniestrie mais aussi entre l’UE et la Russie, en plus de l’Ukraine.

Comme l’adhésion de l’Ukraine, avec l’ adhésion de la Moldavie, sans règlement  préalable négocié de cet enjeu territorial, l’UE importerait un nouveau conflit sur son territoire. Il est impossible  que la question moldave soit résolue de manière isolée, sans une réinitialisation des liens  entre  l’UE et  la Russie et la négociation d’une nouvelle architecture de sécurité européenne  entre les grandes puissances qui comptent comme les Etats-Unis qui dirigent l’OTAN  et à laquelle l’UE s’est inféodée pour les question géopolitiques et la Russie.

 Une adhésion de la Moldavie comporte le risque d’importer un nouveau conflit permanent au sein de l’UE qui n’est pas sans rappeler la question de Chypre. Chypre est  divisée entre la République de Chypre et la République turque de Chypre du Nord  (RTCN ), non reconnue par l’UE , mais qui s’est transformé en conflit non résolu mais gelé, et source de tension entre les deux Etats, Chypre et la Turquie mais aussi entre l’UE et la Turquie.

L’adhésion de la Moldavie à l’UE  fait courir aux Etats membres de l’UE des risques plus graves encore. En effet,  a perspective d’une adhésion de la Moldavie à  l’UE fait partie intégrante de  la vision euro-atlantiste d’extension de l’UE mais aussi l’OTAN selon la vision géopolitique américaine de détacher tous les pays de l’ex-URSS de la Russie, et les faire entrer dans un Grand Occident au bénéfice de la suprématie des Washington en Europe de l’Ouest  et au détriment d’une Europe continentale incluant la Russie.

Une éventuelle adhésion de la Moldavie, comme l’Ukraine,  aurait pour effet de rendre impossible toute perspective  d’autonomie stratégique pour l’UE et ses Etats membres, de renforcer leur  inféodation à Washington. En effet, la Moldavie comme l’Ukraine, donnerait encore plus de poids à l’axe Etats-Unis-Royaume-Uni-Pologne-Pays baltes-Suède-Finlande  Roumanie-Kiev qui marginalise l’axe franco-allemand  et renforce l’emprise de Washington en Europe

La conséquence serait un déplacement plus important du centre de gravité géopolitique vers  l’Est de l’UE au détriment de la France et des pays méditerranéens, une source de tension supplémentaire, et selon le pire scénario un nouveau conflit militaire avec la Russie, avec la cobelligérence hybride de l’UE et l’OTAN, comme en Ukraine.

Au lieu de jouer le rôle d’Etat tampon, et idéalement de pont entre l’UE et la Russie, une  perspective d’adhésion à l’UE ferait de ce pays un Etat-front avec risque aggravé de conflit militaire comme en Ukraine.

Avec la fuite en avant des élargissements de l’UE, les Etats membres sont aspirés dans des conflits qui ne les concerne pas, en particulier la France, mais qui bénéficie à Washington, dans sa rivalité avec Moscou pour fragmenter le continent eurasien.

Le scénario probable d’un enlisement des négociations au cours du processus d’adhésion de la Moldavie, comme la Turquie et de manière prévisible pour  l’Ukraine, va aggraver les divisions entre les  Etats-membres de l’UE et  drainer des financements pour des perspectives irréalistes et au détriment des citoyens de l’UE. Puisque les négociations ont  été lancées de manière irresponsable du point de vue des intérêts géopolitique de la France, un échec des négociations, avant leur abandon définitif  est une option souhaitable qui permettrait d’éviter à une aggravation de la guerre hybride menée par Washington  par l’extension de l’espace euro-atlantique à la Moldavie, devenue un  instrument de l’UE et l’OTAN, comme l’Ukraine,  contre la Russie. 


[i] Le 24 avril 2023, l’Union européenne a lancé la mission de partenariat de l’UE en République de Moldavie (EUPM Moldova) dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).L’objectif de cette mission civile est de renforcer la résilience du secteur de la sécurité du pays dans les domaines suivants : gestion des crises, menaces hybrides, cybersécurité, lutte contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangères

[ii] Les critères de Copenhague

Critère politique : avoir des institutions stables garantissant la démocratie, l’Etat de droit, les droits de l’Homme, le respect des minorités et leur protection ;

Critère économique  : avoir institué une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l’intérieur de l’Union ;

Critère institutionnel  : avoir la capacité de reprendre et mettre en œuvre l’acquis communautaire ;

Capacité d’absorption : il concerne l’Union européenne et non le pays candidat, et se définit comme la capacité de l’UE à assimiler de nouveaux Etats membres.