Les « zones de désescalade » en Syrie, une doctrine territoriale au service de la stabilisation des conflits ?
Un accord a été conclu en septembre dernier à Astana au Kazakhstan, entre la Turquie, la Russie et l’Iran, pour la mise en œuvre intégrale de « zones de désescalade » en Syrie c’est à dire quatre zones qui couvrent la Goutha orientale, à l’est de Damas, ainsi que les provinces d’Idlib, Homs, Lattaquié, Alep et Hama. Ces zones sont mises en place pour une durée de six mois renouvelables. Le processus d’Astana qui a démarré depuis le mois de janvier 2017 a pour objectif de mener des négociations pour faire baisser la tension sur le terrain des hostilités en Syrie, en complémentarité du processus diplomatique mené par l’Onu à Genève.
Les pays garants (Turquie, Russie et Iran) sont responsables du contrôle de ces zones pour une période de 6 mois dans un premier temps renouvelable. Il se sont mis d’accord sur le déploiement d’observateurs aux limites de ces zones .
La défaite de l’Etat islamique approche et l’arrêt des combats aux sein des « zones de désescalade » joue un rôle clé pour la baisse des tensions et réduire les hostilités entre les acteurs du conflit. Ces zones choisies sont composées de « zones sans combat » et de « zones de sécurité » tout autour. Les combats ou frappes aériennes sont supposés être interdits dans ces zones.
L’intérêt de ce dispositif tactique réside dans l’importance accordée au facteur territorial pour obtenir un succès stratégique.
Une guerre se gagne avant tout sur le terrain, par la maîtrise du territoire, mais la paix aussi, afin d’avoir aussi le soutien des populations qui y vivent.
La création de ces « îlots territoriaux » en processus de stabilisation, constitue une approche innovante et pourrait servir de modèle dans d’autres conflits. Si cela fonctionne, cette méthode pourrait alors être érigée au rang de doctrine de stabilisation, dont la caractéristique est de« moucheter » progressivement le territoire d’un pays en guerre, afin de le stabiliser dans son ensemble par effet « tache d’huile » . Dans un monde multicentré caractérisé par la multiplication des conflits issus de rivalités territoriales, cette approche pragmatique mérite l’attention.
Ce dispositif a aussi pour objectif la création de conditions favorables pour la réparation des infrastructures, l’assistance médicale à la population et le retour volontaire des réfugiés syriens dans leur habitations. Les accords sur ces zones ont aussi déjà aboutit à l’évacuation de plusieurs milliers de rebelles sunnites encerclés par l’armée gouvernementale, en échange de l’évacuation de villages chiites, assiégés par la rébellion, en particulier dans la région d’Idlib
Les Nations unies ont par ailleurs précisé que le processus d’Astana devait se concentrer sur la consolidation du cessez-le-feu. Ces zones de désescalades y contribuent indéniablement. Le respect des conditions de cette initiative par l’opposition associée au processus d’Astana et les forces gouvernementales est une étape nécessaire pour un cessez-le-feu plus large sur le territoire syrien et la garantie de la libre circulation dans les régions les plus importantes de la république syrienne. Le succès de cette approche a une importance décisive pour la facilitation des négociations inter-syriennes sous l’égide de l’ONU.
Enfin, le respect de ce « régime de retenue » dans les « zones de désescalade » permettra aux acteurs de l’opposition et l’armée syrienne de concentrer leurs efforts sur la liquidation des groupes de l’Etat islamique qui sont logiquement exclus de ces « zones de désescalade », à l’Est de la Syrie. Si ce dispositif fonctionne, il permettrait aussi par le même occasion de d’empêcher au maximum le retour des djihaddistes en Europe.