Sabotage de Nord Stream : un acte de guerre contre la Russie et l’Europe dans l’intérêt de Washington et du  projet d’Initiative des Trois Mers ?

Sabotage de Nord Stream : un acte de guerre contre la Russie et l’Europe dans l’intérêt de Washington et du  projet d’Initiative des Trois Mers ?

26 septembre 2023 0 Par Pierre-Emmanuel Thomann

Le sabotage des gazoducs Nord Stream et le débat sur les responsabilités restera comme l’un des grands épisodes de la désinformation du camp atlantiste dans ce conflit en Ukraine.  Il n’y aura probablement jamais de confirmation officielle sur l’identité du commanditaire de cet acte de terrorisme d’Etat puisque tout est fait pour étouffer l’affaire.  

Les gouvernements concernés, Berlin et Paris en particulier, sont en état de sidération complice. Leur silence sur cette affaire ou bien le brouillage des pistes appuyé par  les médias dominants et les pseudo experts qui passent en boucle sur les plateaux télévisés pour relayer les narratifs atlantistes s’explique aisément. Ils ne peuvent révéler à leurs peuples que leur soi-disant allié principal, Washington, a commis un acte de guerre contre les alliés de son propre camp, puisque ce serait démontrer que le conflit en Ukraine est une guerre provoquée et entretenue par Washington non pas seulement contre la Russie, mais contre l’Europe toute entière. Tout le discours sur la soi-disant unité occidentale et transatlantique serait irrémédiablement fissuré.

Dès l’explosion  des gazoducs en septembre 2022, alors que la Russie a été immédiatement pointée du doigt par les experts au service du camp atlantiste, Moscou avait accusé Washington d’être derrière cet acte terroriste  Les révélations du journaliste d’investigation américain Seymour Hersh[1] à propos du  sabotage des gazoducs Nord Stream ont pourtant renforcé la  thèse de la responsabilité de Washington. Cette version a fait sans surprise l’objet d’un embargo des médias dominants, qui se font les porte-voix des gouvernements  des Etats membres de l’UE et de l’OTAN. La tentative maladroite de diversion de Washington par l’intermédiaire du NewYorkTimes[2], en pointant la responsabilité d’un groupe pro-ukrainien,  n’a convaincu personne et le ministre de la défense Ukrainien a été obligé de démentir, rare épisode où le régime de Kiev a été obligé de ne pas mentir[3]. Il faut aussi de prime abord rappeler que Washington avait explicitement annoncé son intention de se débarrasser des gazoducs par la voix du président Joe Biden[4]. Les Etats impliqués dans l’enquête ont par ailleurs souligné que les résultats de l’enquête resteraient confidentiels, la vérité n’étant évidemment pas bonne à dire[5]. L’hypothèse de la responsabilité de Washington comme commanditaire du sabotage des gazoducs Nord Stream est donc la plus vraisemblable, et à vrai dire, la seule piste crédible.  

L’absence de réaction des gouvernements des Etats européens concernés, L’Allemagne, la France, les Pays-Bas, directement visés aussi par cet acte terroriste qui peut être assimilé à un acte de guerre, révèle le degré sans précédent de soumission géopolitique de cette classe politique à Washington,

En réalité, si l’on aborde ce épisode selon l’analyse géopolitique, on aboutit à la même conclusion :  la responsabilité de Washington. Replacer cet acte de guerre dans le contexte du  projet géopolitique d’Initiative des Trois Mers, initié par Varsovie avec le soutien de Washington,  mais imaginé par un Think Tank américain  permet de révéler le dessous des cartes géopolitiques.

L’Initiative des Trois Mers

Le projet d’Initiative des Trois Mers rassemble 12 pays d’Europe centrale et orientale situés entre la mer Baltique, la mer Noire et la mer Adriatique : Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie, Lituanie, Estonie, Lettonie, Croatie, Slovénie et Autriche. Quinze autres participants ont choisi de s’associer à certains projets, parmi lesquels l’Ukraine. Cette initiative a pour objectif de renforcer la connectivité au sein de cet espace géographique par le développement des infrastructures de transport routières, ferroviaires et par voies navigables, les infrastructures énergétiques comme les gazoducs et les réseaux électriques, et des infrastructures numériques. 

Les objectifs affichés sont le renforcement du développement économique, la cohésion au sein de l’Union européenne et les liens transatlantiques[6]. L’idée centrale est de développer des infrastructures pour l’énergie et le transport selon un axe  principal Nord-Sud, car les infrastructures actuelles sont orientées dans le sens Est-Ouest en provenance de Russie. Ces infrastructures héritées de l’histoire sont considérés comme des facteurs de dépendance géopolitique vis à vis de la Russie, mais favorisent aussi la domination économique de l’Allemagne depuis l’élargissement de l’UE aux pays d’Europe centrale et orientale. L’Initiative des Trois Mers fût inaugurée en 2016 conjointement par la Pologne et la Croatie. Formalisée lors du premier sommet à Dubrovnik les 25 et 26 août 2016, un deuxième sommet s’est tenu à Varsovie les 6 et 7 juillet 2017. Ce projet a commencé à attiré l’attention des autres membres de l’Union européenne, notamment en raison de la présence du président américain Donald Trump.

Le président autrichien Alexander Von der Bellen, a souligné que le projet était issu des think tank américains[7]. Le projet a été dès l’origine activement promu par le groupe de réflexion atlantiste Atlantic Council. Ian Brzezinski, le fils de Zbigniew Brzezinski, soutient activement l’Initiative des Trois Mers en tant que membre du groupe des conseillers stratégiques de l’Atlantic Council.[8] Une publication de l’Atlantic Council préfigure aussi de manière très précise l’initiative des Trois Mers dès 2014[9], c’est à dire sous la présidence Obama. Il fait la promotion d’un corridor de transports Nord-Sud, en adéquation avec les intérêts géopolitiques des Etats-Unis en soutenant la résilience des pays d’Europe centrale et orientale contre la Russie. 

Les origines géopolitiques du projet et sa renaissance actuelle

Les origines de l’Initiative des trois mers sont anciennes. Elle est l’héritière des représentations géopolitiques polonaises qui ont émergé dans les années 20 après la Première Guerre mondiale, plus précisément le projet d’Intermarium (traduction latine de Międzymorze en polonais) du général Josef Pilsudski. Les idées forces de cet ancien projet ont refait leur apparition dans la configuration géopolitique actuelle.

Comme la Pologne avait été dépecée plusieurs fois dans son histoire au profit de l’empire allemand et de la Russie, le général Pilsudski a cherché dès les années 20 à promouvoir une Europe centrale et orientale préservée des appétits géopolitiques de ses voisins, en créant une troisième voie sous le modèle d’une fédération des Etats entre Mer Baltique, Mer Noire et Mer Adriatique, l’Intermarium, pour se protéger de l’URSS et de l’empire allemand. Ce projet fut abandonné à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. On observe cependant la survivance de ces idées au sein de la diaspora polonaise des États-Unis, proche des stratégistes américains. Cela a aboutit à la préservation d’une synergie forte entre les visions géopolitiques américaines et polonaises, depuis la Guerre Froide jusqu’à aujourd’hui.[10]

Le projet d’Initiative des Trois mers est ainsi une renaissance américano-polonaise de  l’Intermarium. Le projet du général Pilsudski se focalisait sur les enjeux géostratégiques dans le cadre d’une politique de sécurité pour assurer la survie de la Pologne. Aujourd’hui le projet est mis en avant selon des arguments géoéconomiques comme la nécessité de réduire la dépendance au gaz russe et réduire l’hégémonie économique et politique allemande dans l’UE. Toutefois, les enjeux géostratégiques sont bien réels et demeurent plus implicites. Depuis le retour de la rivalité entre les puissances européennes et mondiales, la Russie, les Etats-Unis, la Chine et les pays membres de l’Union européenne, le dilemme géopolitique  historique de l’Europe médiane et sa sécurité, retrouve de l’importance. Les pays d’Europe centrale et orientale membres de l’UE et l’OTAN sont considérés comme des pivots géopolitiques. Bien que la configuration internationale soit différente, la géographie et des similitudes géopolitiques demeurent.   

Les priorités géopolitiques de la Pologne découlent de sa perception de sécurité et des représentations historiques associées qui persistent par inertie quels que soient les gouvernements. La méfiance vis à vis de la Russie a connu une nouvelle actualité avec la crise en Ukraine en 2014, et poussé les Polonais à consolider leur sécurité. Le couple franco-allemand, n’est pas considéré comme totalement fiable, car trop accommodant vis à vis de la Russie, et l’UE trop divisée pour s’affirmer. Le projet a pour objectif de se développer en synergie avec l’UE et de l’OTAN. Il n’existe pas aujourd’hui de volonté de former une Europe médiane indépendante vis-à-vis de son flanc occidental, alors l’Intermarium en Pologne avait pour objectif de promouvoir une troisième voie entre empires russe et allemand. 

Le premier objectif des Polonais est de contenir la Russie perçue comme la menace principale, mais aussi d’équilibrer l’Allemagne avec qui les désaccords se sont accumulés. L’Initiative des Trois Mers est donc pour la Pologne une  plate forme destinée à promouvoir les infrastructures énergétique et de transport Nord-Sud pour réduire la dépendance à l’égard de la Russie, et aussi de maintenir le lien transatlantique (carte 2).  Pour la Pologne et ses alliés au sein de  l’Initiative des Trois mers, l’alliance privilégiée avec les Etats-Unis est jugée nécessaire pour élargir leur marge de manœuvre dans l’UE.

La focalisation sur la menace russe permet à la Pologne de se positionner comme pivot géopolitique régional sur le flanc est de l’OTAN. Elle peut s’assurer du soutien des Etats-Unis   pour tenter de se hisser comme le chef de file régional de l’UE et de l’OTAN. La Pologne   participe à de nombreux projets sur les questions de défense avec les Etats-Unis[11], et l’Union européenne reste secondaire pour les questions de défense malgré les progrès récents.  L’UE est par contre une organisation utile pour le financement des fonds structurels et le fond de cohésion qui seront mobilisés pour le financements d’infrastructures.[12].

La méfiance vis à vis de l’Allemagne s’est aussi cristallisée à propos du projet de Nord Stream I[13] inauguré en 2001 qui approvisionne ce pays en gaz russe via la Mer Baltique, prévu pour être doublé grâce à Nord Stream II. Le projet a  été qualifié abusivement de second « pacte Molotov-Ribbentropf ». Les anciennes représentations historiques ont été réactivées à cette occasion illustrant la permanence des craintes historiques des pays en Europe centrale  qui ont toujours été dominés par les grandes puissances voisines.

La Synergie entre l’OTAN, le partenariat oriental, le programme PESCO et l’Initiative des Trois Mers

En ce qui concerne la Pologne, on observe une synergie géopolitique entre les différentes initiatives prises au niveau européen, comme le partenariat oriental de l’UE, mais aussi le nouveau programme PESCO de coopération de l’UE en matière de défense.  L’objectif est d’attirer le maximum de financements de la part de l’UE sur les priorités polonaises. Le programme PESCO a pour programme principal le projet « mobility »[14], qui est destiné à permettre de mettre à niveau et développer les infrastructures, pour améliorer la mobilité des forces armées de l’OTAN. Cette priorité est aussi un objectif des services de la commission européenne  consacrés aux infrastructures[15], et elle soulignée dans la déclaration commune OTAN-UE. [16]  Le lien entre l’Initiative des Trois Mers et les intérêts de l’alliance atlantique, apparaissent de manière de plus en plus évidentes. Le général américain Ben Hodges, ancien commandant des forces militaires en Europe a ainsi déclaré que les infrastructures du projet PESCO correspondant aussi aux priorités de l’Initiative des Trois Mers, notamment Rail Baltica et Via Carpatia étaient prioritaires.[17] (voir carte 1). Le général américain s’est par contre prononcé contre l’installation d’une base  américaine en Pologne, pour ne pas diviser les alliés.[18] 

Le partenariat oriental avait été également imaginé par les Polonais, et promu dans l’UE avec les Suédois. Le projet est issu de la doctrine Sikorski, qui a pour objectif d’établir une zone tampon vis à vis de la Russie[19]. Le partenariat oriental, l’Initiative pour les Trois Mers et le projet PESCO  relèvent de la stratégie de cordon sanitaire contre la Russie selon la perception de la Pologne. Le souhait du gouvernement polonais d’installer une base militaire de l’OTAN sur le territoire polonais donne une nouvelle preuve de la cohérence des intentions polonaises.

Cette focalisation sur l’échelle régionale a permis de  souligner que la Pologne en particulier se reposait sur le projet d’Initiative des Trois Mers comme outil d’influence et de développement économique au niveau régional. C’est aussi un instrument pour assurer sa sécurité nationale en se reposant sur l’appui des Etats-Unis qui sont engagés dans une manœuvre à l’échelle européenne, principalement pour endiguer l’Allemagne et garder l’UE sous son influence, mais aussi à l’ échelle mondiale vis à vis de la Russie et la Chine.  Examinons ces enjeux.

La synergie entre le projet d’Initiative des Trois Mers et le projet géopolitique des Etats-Unis : la rivalité avec la Russie et l’Allemagne

En effet, si l’on se réfère aux enjeux géopolitiques à l’échelle mondiale, l’Initiative des Trois Mers est un projet qui entre dans les priorités géopolitiques des Etats-Unis. L’implication des Etats-Unis, dès les origines du projet, est en cohérence avec sa manœuvre stratégique vis à vis de l’Eurasie pour contrer la Russie et la Chine mais aussi avec son ambition de se hisser comme exportateur énergétique mondial pour son gaz de schiste. 

Les États-Unis ont pour objectif prioritaire le contrôle de l’Eurasie sur la carte du monde. Cette posture des Etats-Unis est donc celle des temps longs et émerge à nouveau de manière explicite. L’ambition est de préserver le leadership mondial des États-Unis et ralentir l’émergence d’un monde multipolaire.[20] dans le contexte de la rivalité des grandes puissances (Voir carte 2). L’objectif des Etats-Unis est de faire front contre la Russie et d’élargir le Rimland (selon la doctrine géopolitique de Spykman) mais aussi de fragmenter l’Eurasie (selon la doctrine de Mackinder) et de détacher l’Ukraine de la Russie (doctrine Brzezinski). Avec une continuité remarquable, les États-Unis cherchent à empêcher l’émergence d’une puissance qui puisse défier leur statut de puissance mondiale sur le continent eurasien. Cette constante géopolitique avait été à nouveau soulignée dès la fin de la guerre froide avec la doctrine Wolfowitz en 1992. Celui-ci avait souligné que la mission de l’Amérique dans l’ère de l’après-guerre froide consisterait à s’assurer qu’aucune superpuissance rivale ne soit autorisée à émerger en Europe occidentale, en Asie ou sur le territoire de l’ancienne Union soviétique[21]. La représentation stratégique de Zbigniew Zbrezinski[22], qui fait de la fragmentation géopolitique du continent eurasien, mais l’intégration renforcée dans l’espace euro-atlantique des Etats de l’Europe occidentale à l’Ukraine sur un axe Paris-Berlin-Kiev, a aussi exercé une influence importante[23]  dans l’administration américaine. Cet objectif a été explicitement promu par Wess Mitchell, secrétaire d’Etat adjoint pour l’Europe et l’Eurasie au département d’Etat sous la présidence de Donald Trump. La vision de Wess Mitchell est la poursuite de la consolidation par les Etats-Unis du Rimland européen[24]. Cette stratégie  européenne combinée à la stratégie indopacifique, poursuit l’encerclement du continent eurasien par les Etats-Unis.

L’Initiative des Trois Mers se coule parfaitement dans cette vision et constitue un des instruments de Washington. Les Etats-Unis réinvestissent à nouveau l’Europe centrale et orientale dans le cadre de leur  manœuvre vis à vis de l’Eurasie. La Pologne est donc le pivot des Etats-Unis pour renforcer le poids de la Pologne dans l’UE et préserver au maximum la domination de Etats-Unis sur le projet européen, Le rôle de l’Ukraine était destiné à prendre de l’importance dans le projet d’Initiative des Trois Mers. En effet, arrimer l’Ukraine à cette vision était déjà dans les plans initiaux et confirme le caractère très géopolitique de ce projet. Le rôle de l’Ukraine est celui d’un territoire de transit pour les corridors énergétiques évitant la Russie sur l’axe Asie centrale-Caucase du Sud- Mer Noire. L’intervention russe à partir de 2023 en Ukraine est venue contrecarrer ces plans, du moins en ce qui concerne l’inclusion de l’Ukraine dans le projet, option qui reste tributaire de l’issue du conflit en Ukraine.

C’est dans ce contexte que le projet d’Initiative des Trois Mers a en effet été soutenu par le président américain Donald Trump depuis sa participation au sommet de Varsovie[25]. Le contexte de ce soutien très appuyé par le président américain est celui de la rivalité géopolitique entre les Etats-Unis et la Russie. L’objectif, on l’a dit, en plus de contrer la Russie en Europe centrale et orientale, est de vendre le gaz de schiste américain. Les exportations de gaz sont ainsi devenues une arme géopolitique pour les Etats-Unis.[26]

Ce soutien se comprend aussi dans le cadre d’une rivalité devenue explicite entre les Etats-Unis et l’Allemagne. « L’Amérique d’abord », avec l’arrivée de Donald Trump, objectif autrefois plus implicite en objectif explicite. C’est ainsi que le président Trump a commencé à pratiquer une pression politique envers l’Allemagne, en donnant plus de poids aux critiques de la Pologne. En liant les dossiers énergie et sécurité[27],le président américain a accusé l’Allemagne d’importer du gaz russe, d’aggraver le déficit commercial américain  et de ne pas contribuer financièrement suffisamment à l’OTAN. Cette mise sous pression a aboutit à la décision de  l’Allemagne d’importer du gaz de schiste américain, et d’ouvrir un port LNG dans le nord de l’Allemagne. L’Allemagne a pourtant continué de défendre fermement le projet de gazoduc Nord Stream II contre l’avis des Etats-Unis et la Pologne jusqu’au déclenchement de opération spéciale russe en Ukraine en février 2022.

Le sabotage de Nord Stream  par Washington en synergie avec les objectifs du projet d’Initiative des Trois Mers

Le volet énergétique comme instrument géopolitique est particulièrement  important  pour Washington. Le sabotage des gazoducs Nord Stream, infrastructures qui précisément évitent l’Ukraine mais favorisent la Russie mais aussi l’Allemagne doit être remis dans le contexte du conflit en Ukraine, qui aggrave les enjeux et fait monter les enchères. Le déclenchement du conflit en Ukraine provoqué par Washington et Londres notamment avec les projets  d’élargissement de l’OTAN va être l’occasion propice de prendre des décision plus radicales pour affaiblir la Russie mais aussi les Etats européens, en particulier l’Allemagne mais aussi la France,  par la même occasion.   

Les États-Unis ont l’ambition de promouvoir l’exportation de leurs propres ressources en gaz de schiste avec la technologie du GNL, au détriment des sociétés énergétiques européennes impliquées dans l’exploration de ressources en Sibérie (Russie) et du projet de gazoduc Nord-Stream II. Après le début de l’opération militaire de la Russie en Ukraine, les Etats-Unis et leur alliés de l’OTAN, sous la pression de Washington, ont cherché à stopper les importations de gaz en provenance de Russie par les gazoducs Nord Stream (sans fermer l’importation par les gazoducs traversant l’Ukraine pour donner des ressources et un levier à Kiev).Les Etats-Unis sont donc arrivés à leurs fins au courant de 2023, et le sabotage de Nord Stream en septembre 2023 a pour objectif de pérenniser ce gain, et empêcher toue velléité de l’Allemagne et ses partenaires d’envisager d’utiliser  ces gazoducs, dans la période post conflit  en Ukraine. Ce d’autant plus que la Russie a envisagé de réparer  les gazoducs[28]

Le sabotage des gazoduc va donc forcer les Européens, du point de vue de Washington à opérer une  réorientation géopolitique  radicale dans le sens des objectifs du  projet d’Initiative des Trois Mers, destiné in fine, il faut le rappeler, à détacher la Russie de l’Europe de  l’Ouest, en particulier l’Allemagne mais aussi la France, ainsi que l’Europe centrale en réorientant les infrastructures énergétique et de transport. Il s’agit de faire de cette zone une ceinture isolante entre mer baltique, mer Noire et mer adriatique  qui coupe les liens directs entre l’axe franco-allemand et la Russie et renforce la domination géopolitique des Pays d’Europe centrale et Orientale par les États-Unis, et en particulier l’Allemagne, en les rendant  plus dépendant au gaz de schiste américain. L’Union européenne se trouve ainsi réduite au statut de zone tampon, comme théâtre de la manœuvre américaine en Eurasie, et une périphérie de plus en plus divisée et instrumentalisée par les USA.

Forcer l’Allemagne à choisir son camp et se détacher de la Russie

Il est utile de souligner la posture de l’Allemagne par rapport au projet. Aujourd’hui, l’Allemagne est  une puissance centrale qui poursuit son expansion vers les nations d’Europe orientale et d’Eurasie issues de l’ex URSS  (Ostmitteleuropa) et les Balkans. L’idéologie qui sous-tend cette expansion est différente de l’idéologie pangermanisme à la veille de la Première Guerre Mondiale, car elle se poursuit aujourd’hui au nom de l’occidentalisation et l’européanisation de son flanc oriental, d’où la rivalité géopolitique croissante avec la Russie. Donc l’idéologie change mais les tropismes géographiques perdurent. Du point de vue géopolitique, l’Allemagne, puissance centrale de l’Union européenne depuis sa réunification et l’élargissement de l’UE à l’Est, cherche à arrimer les pays d’Europe centrale et orientale dont l’Ukraine à l’espace euro-atlantique. Le soutien des Etats-Unis à l’Initiative des Trois Mers, dans le contexte des désaccords croissants avec le nouveau président Donald Trump, à sans doute poussé l’Allemagne a chercher à participer au projet, afin de contrer une orientation trop anti-allemande, mais aussi en rivalité avec les Etats-Unis qui poursuivent une politique bilatérale et de soutien à l’initiative très active, notamment avec la Pologne. C’est ainsi que les gouvernements allemands poursuivent implicitement la construction d’une zone tampon à l’Est vis à vis de la Russie avec la partenariat oriental de l’UE que l’Initiative des Trois Mers vient compléter. 

L’Allemagne comme puissance économique table aussi sur l’ouverture des marchés dans les pays du partenariat oriental. L’enjeu est notamment l’Ukraine en raison de son rôle de pivot géopolitique. L’Allemagne se considère responsable de la trajectoire géopolitique de l’Ukraine, en  utilisant le narratif euro-atlantique pour parvenir à son objectif. L’Allemagne, avant l’intervention militaire russe en Ukraine en février 2022, considérait qu’elle avait pourtant besoin du gaz et du pétrole russe pour maintenir son statut de puissance économique. L’Allemagne reste pourtant toujours sous protectorat militaire américain avec l’arme nucléaire américaine comme défenseur ultime du territoire allemand. Le soutien au projet d’Initiative des Trois Mers et l’acceptation d’importation de gaz de schiste américain était sans doute considéré par le gouvernement allemand comme le prix à payer pour préserver le gazoduc Nord Stream  II et sa position de puissance centrale dans l’UE pour contenir l’attitude hostile des Etats-Unis[29]. Le gage donné à la Pologne par le soutien de l’Allemagne au projet n’a toutefois pas effacé la méfiance de la Pologne vis à vis du soutien allemand qui s’est manifestée dans les milieux conservateurs et pro-américains[30] en Pologne et la diaspora polonaise aux Etats-Unis. La Pologne se trouve devant un dilemme difficile: garder une emprise sur le  projet d’Initiative des Trois Mers, mais en même temps attirer les financements  qui ne peuvent venir que de l’UE avec le soutien de l’Allemagne, en plus des financements américains.

C’est à l’occasion de l’aggravation de la crise en Ukraine en 2022, que Washington  a décidé de ne plus tolérer la politique d’équilibre des Allemands comme puissance centrale en synergie avec l’OTAN et puissance économique avec une alliance énergétique avec la  Russie.   Le sabotage des gazoducs Nord Stream par Washington force les Allemands à choisir dans la durée le camp occidentaliste contre la Russie et à abandonner leur politique d’équilibre pour se ranger sous l’hégémonie américaine, tant géostratégique que géoéconomique; 

L’hégémonie de Washington est aussi rendue impossible par l’incapacité des Français et des Allemands à s’entendre, ni sur une architecture européenne de sécurité pour plus d’indépendance européenne vis à vis des Etats-Unis, ni sur les questions énergétiques où ils restent aussi des rivaux. La décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire et de compter massivement sur l’importation de gaz russe, sans consultation avec la France, explique sans doute l’absence de réaction de Paris au sabotage des Américains, selon un sentiment de « schadenfreude »[31], même si les intérêts français sont aussi touchés. Le camp des atlantistes français qui ont toujours craint l’axe germano-russe est aussi renforcé. La rivalité géopolitique franco-allemande, qui reste le cœur du projet européen, sera toujours un boulevard pour l’entrisme américain dans le projet européen, qui dès les origines, a d’ailleurs été conçu selon la vision de Jean Monnet, en synergie avec les intérêts américains.

Conclusion

Le sabotage des Gazoducs Nord Stream par Washington s’inscrit donc dans le sillage de la stratégie géopolitique de fragmentation de l’Europe pour torpiller toute entente européenne mais aussi eurasienne potentielle sur un axe Paris-Berlin-Moscou, et de poursuivre sa grande stratégie d’encerclement de l’Eurasie contre la Russie et la Chine. afin de préserver sa suprématie en Europe et dans le monde. Le projet d’Initiative des Trois mers est l’un des instruments de cet objectif. Dans ce contexte, le sabotage des gazoducs Nord Stream est  un acte de guerre contre la Russie, mais aussi contre l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et une ingérence à leur souveraineté. C’est un acte d’hostilité contre l’idée d’un projet européen indépendant sur un axe continental incluant la Russie selon la vision gaullienne d’une « Europe européenne » qui s’oppose à « l’Europe américaine » .

L’UE est la dernière zone dans le monde où les Etats-Unis, peuvent encore exercer leur hégémonie sans obstacle réel aujourd’hui, mais ils ne peuvent maintenir la pression dans la durée sur la classe politique européenne qu’en terrorisant les Européens par des actes terroristes comme le sabotage des gazoducs. Washington, sous l’emprise des idéologues néoconservateurs mus par la préservation à tous prix de la suprématie américaine, constituent une menace géopolitique majeure pour les nations européennes, en particulier la France et  l’Allemagne. L’absence de réaction s’explique par l’asservissement géopolitique de ces gouvernements qui ne tiennent leur légitimité que de leur appartenance au camp atlantiste sous direction de Washington à qui ils ont fait allégeance, et non plus de leurs peuples qu’ils sont incapable de protéger. Ils sont engagés dans un processus de fuite en avant dans la cobelligérence contre la Russie en alignement des intérêts américains et ceux de leur instrument le régime de Kiev. Les conséquences sont prévisibles pour les Européens avec une nouvelle crise économique, une désindustrialisation liée aux délocalisations aux Etats-Unis aboutissant à une  baisse du niveau de vie des Européens et enfin, une déstabilisation et un risque de conflit militaire qui pourrait déboucher sur une troisième guerre mondiale.

Le déplacement du centre de gravité de l’UE

Cette évolution renforce la phase géopolitique du projet européen, se substituant à la phase intégrationniste précédente. Le projet d’Initiative des Trois Mers, s’il attire de manière croissante des investissements de l’UE et de l’Allemagne, le centre de gravité géopolitique de l’UE poursuivra son déplacement vers l’Est. La consolidation de l’Allemagne en posture centrale et la persistance d’une fissure en Europe entre la Russie et l’UE dominée par les priorités allemandes et polonaises appuyées par les Etats-Unis, vont renforcer les déséquilibres géopolitiques au sein de l’UE. Cette évolution se fait  au détriment de l’axe franco-allemand et aggrave la rivalité avec la Russie. L’affaiblissement économique éventuel de l’Allemagne dont l’accès au gaz et pétrole russe bon marché est plus limité va toutefois peut-être réduire son avantage géopolitique.  

Depuis l’unification allemande et l’élargissement de l’UE en Europe centrale et orientale, une nouvelle rivalité géopolitique entre l’Allemagne et la France a aussi émergé depuis le déplacement du  centre de gravité vers l’Est [32]. En effet, le renforcement du statut de puissance centrale de l’Allemagne entre en contradiction avec le projet d’avant-garde franco-allemande et  l’Europe à plusieurs cercles de la France. Dans le passé, Paris a  cherché à rééquilibrer l’UE vers la Méditerranée pour contrer le déplacement du centre de gravité géopolitique, provoquant à son tour des initiatives à l’Est comme le partenariat oriental. [33]

Il se peut que la crise économique ralentisse la montée en puissance de l’Initiative des Trois Mers, mais si les flux énergétiques se tarissent de plus en plus avec la Russie, son objectif géopolitique sera atteint. La consolidation  du projet l’Initiative des Trois Mers aura-elle pour conséquence la poursuite d’une politique de compensation de la France, telle qu’elle a été pratiquée depuis l’unification allemande? L’Initiative des Trois Mers devrait aboutir selon le plan des Washington, à faire des Etats membres de l’UE, des Etats-fronts contre la Russie, car l’Europe serait coupée de son flanc oriental, à l’image de ka Guerre Froide et l’empêcherait de pratiquer une politique d’équilibre en fonction de sa géographie.

En définitive, l’Allemagne et la France oseront-elles un jour riposter au sabotage des gazoducs, véritable acte de guerre de la part de Washington? La France va-t-elle enfin contester de manière ferme cette fuite en avant de l’UE vers son flanc oriental ? En ce qui concerne l’Initiative des Trois Mers, il n’y a aucune raison pour que la France participe au financement d’un projet au travers de l’UE qui va dans le sens de sa marginalisation géopolitique. Si la construction d’infrastructures entre les pays d’Europe centrale et orientale est légitime, la rupture des flux dans le sens Est-Ouest devrait être évitée. La France a intérêt à ce que les Etats participant à l’Initiative des Trois Mers se positionnent comme des ponts entre la Russie et l’UE,  à l’image de la Hongrie, et non pas une ligne de front qui fracture l’Europe. 

La Russie avait proposé à l’Ukraine de faire partie de son projet d’Union eurasiatique, mais le coup d’Etat à Kiev en 2014 a réorienté l’Ukraine vers l’espace euro-atlantique avec un accord de libre échange avec l’UE.  La Russie a ensuite élaboré dès 2016 le projet de Grande Eurasie, qui n’était pas fermée à une participation de l’Union européenne selon sa vision d’une convergence des intérêts géopolitiques communs à tout le continent[34].  L’Initiative des Trois Mers qui tend à privilégier les relations Nord-Sud entre en contradiction avec la vision Est-Ouest que la Russie avait cherché à maintenir. Or depuis février 2023, on assiste à une véritable hystérie vis à vis d’une menace russe en réalité inexistante pour les membres OTAN.[35] alors que cette crise est principalement issue de la non prise en compte des intérêts de sécurité de la Russie. La Russie réagit selon ses propres représentations qui proviennent d’une perception d’encerclement avec l’élargissement de l’OTAN, l’installation des bases américaines et le nouveau projet de bouclier anti-missile (Carte 2). Les crises géorgienne et ukrainienne sont directement liées à la question des élargissements futurs de l’OTAN[36]. Un meilleur équilibre géopolitique en Europe est nécessaire pour éviter l’hégémonie de Washington qui entraine la France et les Européens dans des conflits contre la Russie et la Chine, au détriment des intérêts français et au seul profit des de la vision suprématiste des néoconservateurs de Washington et des bureaucraties alignées OTAN/UE. L’installation dans la durée d’une confrontation avec la Russie, scénario plus probable qu’une Nouvelle Guerre Froide, devrait être évitée, car toute l’Europe et sa proximité géographique seront affectés par des déstabilisations géopolitiques car la configuration géopolitique est fluide.          

La meilleure réplique dans la période post-conflit en Ukraine, serait de promouvoir à l’avenir pour la France comme puissance d’équilibre, un rapprochement franco-russe, pour contrebalancer l’axe euro-atlantiste sous hégémonie américaine. Pratiquer l’équilibre n’est pas la neutralité, mais contrebalancer le pôle trop dominant par un autre pôle d’équilibre. Il serait judicieux pour la France et les Etats ouverts à une réinitialisation des relations avec la Russie, comme les pays du Sud de l’Europe, notamment l’Italie, l’Espagne, la Grèce, Chypre, mais aussi en Europe centrale comme la Hongrie et la Croatie, et espérons l’Allemagne, si elle se détache de ses illusions atlantistes, de promouvoir un nouvel équilibre plus favorable à leurs intérêts. Si Moscou est en conflit avec ce quelle appelle l’Occident collectif, la coopération avec les pays de l’Occident traditionnel dans l’espace de Washington à Berlin, restera d’actualité selon le Kremlin.[37] A l’échelle mondiale, l’enjeu pour les Européens est aussi d’éviter un éventuel condominium américano-chinois et la Russie jouerait à ce propos un rôle important pour faire équilibre. Le concept d’une nouvelle architecture européenne de sécurité, maintes fois évoqué, mais jamais mis en œuvre, et reposant sur un nouvel ordre spatial et géopolitique, incluant la Russie et l’Ukraine, reste la condition, non seulement de la paix en Europe, mais aussi de la relance du projet européen vers une Europe des nations souveraines mais alliées et interdépendantes à l’échelle continentale.


[1] https://seymourhersh.substack.com/p/how-america-took-out-the-nord-stream

[2] https://www.nytimes.com/2023/03/07/us/politics/nord-stream-pipeline-sabotage-ukraine.html

[3] https://www.reuters.com/world/europe/zelenskiy-aide-kyiv-absolutely-not-involved-nord-stream-attack-2023-03-07/

[4] https://www.youtube.com/watch?v=k93WTecbbks

[5] https://www.epochtimes.fr/la-suede-quitte-lenquete-conjointe-sur-la-fuite-du-nord-stream-et-refuse-de-partager-ses-conclusions-invoquant-la-securite-nationale-2135764.html

[6] https://www.three.si/2019-summit

« L’initiative des trois mers repose sur trois piliers : le développement économique, la cohésion européenne et les liens transatlantiques. La nature changeante de l’environnement mondial exige leur renforcement afin d’être en mesure de relever de nouveaux défis et de surmonter des menaces dynamiques.

Premièrement, l’initiative vise à contribuer au développement économique de l’Europe centrale et orientale grâce à la connectivité des infrastructures, principalement, mais pas uniquement, sur l’axe nord-sud, dans trois domaines principaux : les transports, l’énergie et le numérique.

Le deuxième objectif est d’accroître la convergence réelle entre les États membres de l’UE, contribuant ainsi à renforcer l’unité et la cohésion au sein de l’UE. Cela permet d’éviter les divisions artificielles entre l’Est et l’Ouest et de stimuler davantage l’intégration de l’UE.

Troisièmement, l’initiative vise à contribuer au renforcement des liens transatlantiques. La présence économique des États-Unis dans la région constitue un catalyseur pour le renforcement du partenariat transatlantique. »

[7] https://www.bundespraesident.at/aktuelles/detail/drei-meere-initiative-2018

[8] http://www.atlanticcouncil.org/blogs/new-atlanticist/the-three-seas-summit-a-step-toward-realizing-the-vision-of-a-europe-whole-free-and-at-peace

[9] http://www.atlanticcouncil.org/images/publications/Completing-Europe_web.pdf

[10] Laruelle Marlène; Riviera Ellen, Imagined Geographies of Central and Eastern Europe: The Concept of Intermarium, Institute for Russian European, and Eurasian studies, The Georges Washington University, IERES Occasional Papers, March 2019

https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/laruelle-rivera-ieres_papers_march_2019_1.pdf

[11] Montgrenier Jean-Sylvestre, Dubois-Grasset Jeanne,  La Pologne, acteur géostratégique émergent et puissance européenne, http://institut-thomas-more.org/2018/06/30/la-pologne-acteur-geostrategique-emergent-et-puissance-europeenne/

[12] https://www.ft.com/content/2e328cba-c8be-11e8-86e6-19f5b7134d1c

[13] https://www.ft.com/content/eb1ebca8-9514-11e5-ac15-0f7f7945adba

[14] https://www.consilium.europa.eu/media/32079/pesco-overview-of-first-collaborative-of-projects-for-press.pdf

[15] https://ec.europa.eu/transport/themes/infrastructure/news/2018-03-28-action-plan-military-mobility_en

[16] https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2016/07/08/eu-nato-joint-declaration/

[17] https://biznesalert.pl/hodges-centralny-port-komunikacyjny-mobilnosc-nato/

[18] https://www.politico.eu/article/dont-put-us-bases-in-poland/

[19] https://wikileaks.org/plusd/cables/08WARSAW1409_a.html

[20] Foucher Michel, La bataille des cartes, Analyse critique des visions du monde, François Bourin Editeur,  2011, 192p.

[21] https://www.nytimes.com/1992/03/08/world/us-strategy-plan-calls-for-insuring-no-rivals-develop.html

[22] Zbigniew Zbrezinski,  Le grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde

Brzezinski Zbigniew, The Grand Chessboard: American Primacy And Its Geostrategic Imperatives, Basic Books, 1997

[23] Justin Vaïsse, Zbigniew Brzezinski, stratège de l’empire, Odile Jacob, 2016   417 p. 

[24] Selon Mitchell l’objectif des Etats-Unis est d’éviter la domination des masses eurasiennes par des puissances hostiles. Ainsi, il précise que « lors de trois guerres mondiales, deux chaudes et une froide, nous avons aidé à unifié l’Occident démocratique pour empêcher nos opposants brutaux de dominer l’Europe et le Rimland à l’Ouest de l’Eurasie.»[24]Ainsi, sans surprise, la Russie et la Chine sont désignés comme les adversaires stratégiques des Etats-Unis alors que la Guerre Froide est terminée depuis plus d’un quart de siècle, car ils « contestent la suprématie des USA et leur leadership au 21 ème siècle.»On retrouve donc avec constance l’objectif des Etats-Unis de contrôler l’Eurasie afin d’empêcher un rival géopolitique d’y émerger à nouveau et relativiser leur propre puissance mondiale, https://ee.usembassy.gov/a-s-mitchells-speech/

[25]  Le Président Donald Trump a déclaré lors du sommet de l’Initiative des Trois Mers le 6  juillet 2017 à, Varsovie en Pologne que  «  L’Initiative des Trois Mers transformera et reconstruira l’ensemble de la région et veillera à ce que vos infrastructures, tout comme votre engagement en faveur de la liberté et de l’État de droit, vous lient à toute l’Europe et, en fait, à l’Occident.» 

«L’initiative des trois mers permettra non seulement à vos peuples de prospérer, mais aussi à vos nations de rester souveraines, sûres et libres de toute coercition étrangère. Les nations libres d’Europe sont plus fortes, et l’Occident l’est aussi. Les États-Unis sont fiers de constater qu’ils aident déjà les pays des trois mers à atteindre la diversification énergétique dont ils ont tant besoin. L’Amérique sera un partenaire fiable et sûr dans la production de ressources et de technologies énergétiques de haute qualité et à faible coût.»

[26] le Financial Times a souligné que « Donald Trump est en train d’opérer un changement radical dans la politique énergétique américaine en utilisant les exportations de gaz naturel comme un instrument de politique commerciale, en se faisant le champion des ventes à la Chine et à d’autres régions d’Asie dans le but de créer des emplois et de réduire les déficits commerciaux américains. Dans une tentative de libérer les ressources énergétiques américaines, M. Trump essaie de promouvoir davantage d’exportations de gaz naturel liquéfié et pas seulement d’utiliser le GNL comme une arme géopolitique visant des nations telles que la Russie, comme c’était la position de son prédécesseur Barack Obama. »

Trump looks to lift LNG exports in US trade shift », Financial Times, June 22 2017,  https://www.ft.com/content/c5c1958c-5761-11e7-80b6-9bfa4c1f83d2

[27] https://www.euractiv.com/section/energy/news/kremlin-accuses-trump-of-trying-to-bully-europe-into-buying-us-lng/

[28] https://www.lalibre.be/economie/conjoncture/2022/10/14/nord-stream-une-grande-section-du-tuyau-doit-etre-coupee-et-remplacee-G6ROQC3BGZF4RLFWETGX7NQ6Q4/

[29] Les sanctions allemandes contre la Russie étaient toujours calibrées afin de ne pas mettre en danger les intérêts fondamentaux de sa puissance économique, tout en  satisfaisant les USA mais aussi les pays d’Europe centrale et orientale méfiants de la Russie. Il s’agissait d’une politique d’équilibre vis à vis des intérêts des partenaires de l’Allemagne, et une nouvelle politique de réassurance, et d’endiguement de la Russie sur la plan géostratégique.

[30] https://www.tysol.pl/a23593-Najnowszy-numer-%E2%80%9ETygodnika-Solidarnosc%E2%80%9D-Po-co-Niemcom-Trojmorze-

[31]Traduction : «  se réjouir du malheur d’autrui »

[32].Thomann Pierre-Emmanuel, Le couple, franco-allemand et le projet européen, représentations géopolitiques, unité et rivalités, 2015, 660 p.

[33] Le partenariat oriental avait été promu par la Pologne et la Suède pour contrer le tropisme euro-méditerranéen de la France, dans le contexte de la crise provoquée par le projet d’Union méditerranéenne de Nicolas Sarkozy en 2007/2008. L’Allemagne a toujours soutenu le partenariat oriental, mais en agissant dans les coulisses  de l’Union européenne. L’Allemagne a d’abord bloqué le projet d’Union méditerranéenne de la France pour éviter une division de l’UE et contrer l’émergence de la France comme chef de file des pays méditerranéens en contrepoids de l’Europe allemande, afin d’éviter une fragmentation de l’Europe en alliances variables, et  maintenir la France et les pays du Sud dans le giron de l’UE.  

[34] Glaser (Kukartseva), M., & Thomann, P.-E. (2022). The concept of “Greater Eurasia”: The Russian “turn to the East” and its consequences for the European Union from the geopolitical angle of analysis. Journal of Eurasian Studies, 13(1), 3–15. https://doi.org/10.1177/18793665211034183

[35] Aucun Etat membre de l’OTAN, protégé par l’article V de l’OTAN n’a pourtant eu de différent militaire avec la Russie

[36] Thomann  Pierre-Emmanuel, Guerre Russie Géorgie: première guerre du monde multipolaire,  revue défense nationale,n°10, octobre 2008,  http://www.ieri.be/fr/node/329

[37] Vladimir Putin Meets with Members of the Valdai Discussion Club. Transcript of the Plenary Session of the 19th Annual Meeting, 27.10.2022

https://valdaiclub.com/events/posts/articles/vladimir-putin-meets-with-members-of-the-valdai-club/