Sommet de l’OTAN : les questions de géostratégie escamotées
A l’occasion du sommet de l’OTAN des 11 et 12 juillet, les médias et la classe politique européenne se focalisent presque exclusivement sur les petites phrases de Donald Trump, afin de déceler son degré de loyauté vis à vis de l’Alliance atlantique. Les débats, à l’initiative du président Donald Trump portent aussi presque exclusivement sur le niveau de dépenses militaires des membres de l’OTAN, notamment la question des 2% du PIB.
Pourtant, des enjeux bien plus concrets et décisifs pour la sécurité européenne devraient retenir toute leur attention.
La menace nucléaire iranienne avait constitué la justification principale pour le projet de bouclier anti-missile de l’OTAN, dont l’installation a été poursuivie de manière continue jusqu’à aujourd’hui. Depuis le retrait des Etats-Unis, le 8 mai dernier, à l’initiative de Donald Trump de l’accord sur le nucléaire iranien qui avait été signé en 2015. les Européens devraient se poser la question sur le rôle futur de ce bouclier anti-missile et ses répercussions sur leur sécurité. Ce dispositif rencontre l’opposition de la Russie qui affirme qu’il est dirigé en réalité contre elle et menace l’équilibre nucléaire stratégique
La carte insérée dans cet article montre la localisation des infrastructures existantes et pressenties du bouclier. La ceinture marron fait apparaître les bases américaines et les éléments du bouclier comme un ensemble spatial continu, ainsi que les flèches bleues qui créent un mouvement depuis une « tête » états-unienne vers ses alliés, représentent la perception d’encerclement des Russes et des Chinois (bien que l’objectif affiché du bouclier soit de se protéger contre les missiles de l’Iran et de la Corée du Nord).
L’intérêt des Etats-Unis est le suivant: si les États-Unis ont commencé à redéployer leurs forces vers la région Asie Pacifique, ils renforcent par contre leur présence stratégique en Europe par le biais du bouclier anti-missile qui a été adopté comme la « clé de voûte » de l’OTAN. Le territoire européen devient un élément du dispositif destiné à protéger le territoire américain, prolongeant ainsi la fonction de Rimland de l’Europe vis-à-vis du continent eurasien, selon une stratégie qui rappelle les conceptions de la géopolitique anglo-saxonne de l’américain Nicolas Spykman héritées du britannique Sir Halford Mackinder. L’administration américaine, sous la présidence d’Obama, a fait régulièrement progresser le projet de bouclier anti-missile en dépit de l’annonce d’une posture plus modérée que l’administration Bush. Le président Trump a annoncé l’augmentation des dépenses militaires et la poursuite du bouclier anti-missile.
La question du bouclier anti-missile, si le projet est renforcé, pourrait donc faire à nouveau du territoire européen, un terrain d’affrontement entre les Russes et les Américains avec la perspective de renforcement d’une nouvelle guerre froide. Le territoire européen redeviendrait un enjeu entre les États-Unis et la Russie par la poursuite du déploiement du bouclier anti-missile sans accord négocié entre les deux pays.
En effet, les Allemands et les Français, tout en souscrivant au projet de bouclier anti-missile, avaient officiellement posé comme condition l’inclusion de la Russie dans le dispositif. Aussi longtemps que la place de la Russie dans l’architecture de sécurité ne sera pas définie, la présence des armes nucléaires en Europe et le rôle de l’OTAN comme alliance nucléaire reste justifiée pour beaucoup de pays.
Les Allemands et les Français, qui étaient initialement méfiants de ce projet, mais qui ont finalement soutenu son incorporation à l’OTAN, sous pression des Etats-Unis, gagneraient à aborder à nouveau cette question majeure dans l’intérêt de la sécurité européenne. En effet, les Allemands et les Français, tout en souscrivant au projet de bouclier anti-missile, avaient officiellement posé comme condition l’inclusion de la Russie dans le dispositif. Aussi longtemps que la place de la Russie dans l’architecture de sécurité ne sera pas définie, la présence des armes nucléaires en Europe et le rôle de l’OTAN comme alliance nucléaire reste justifiée pour beaucoup de pays.
L’enjeu est d’abord celui de leur propre souveraineté, car il est évident que ni l’un ni l’autre n’auront le doigt sur le bouton pour décider de la mise à feu éventuelle des missiles-antimissiles. L’autre enjeu est celui de la paix en Europe, car le boucler anti-missile, en raison des désaccords entre Russes et Américains, augmente le risque de guerre nucléaire en Europe. L’absence d’accord sur le bouclier anti-missile cristallise cette situation et entrave les discussions sur le désarmement en Europe et dans le monde.
Au lieu de spéculer sur les petites phrase de Donald Trump, les Européens feraient mieux de lui demander de clarifier sa position sur le rôle du boulier anti-missile dans la sécurité européenne afin d’obtenir des garanties tangibles.