Syrie : L’ouverture d’un nouveau front par Washington-Ankara-Tel Aviv-Kiev contre la Russie-Syrie-Iran au détriment de la sécurité européenne
Une alliance de terroristes islamistes dont le noyau est le groupe HTS (Hayat Tahrir al-Sham) en provenance d’Idlib, refuge pour les anciens djihadistes d’ISIS[i], ont lancé une offensive en Syrie et conquis la ville d’Alep. Derrière ces djihadistes, il y a les intérêts géopolitiques des puissances, avant tout Ankara (soutien à HTS), mais aussi Tel-Aviv[ii] et Washington[iii] qui utilisent des proxys islamistes depuis 2011 pour provoquer un changement de régime en Syrie.
Derrière cette nouvelle offensive djihadiste, les rivalités géopolitiques entre puissances aboutissent à des objectifs variés. Pour Washington, le bénéfice de cette opération vise avant tout à ouvrir un nouveau front contre la Russie, pour tenter de ralentir la défaite inéluctable en Ukraine, mais aussi au Proche Orient contre l’Iran. L’objectif est aussi d’accroître la conflictualité avec la Russie et ses alliés, pour torpiller l’objectif annoncé par Donald Trump de résoudre les conflits en cours.
Washington est responsable de l’affaiblissement de la Syrie par sa politique de sanctions, avec son occupation avec les Kurdes d’une partie du territoire au nord-est de la Syrie et sa base militaire d’Al Tanf au Sud de la Syrie. Les Etats-Unis ont aussi pour objectif d’orienter l’expansionnisme turc vers les zones d’intérêt de la Russie en Syrie, au Caucase et en Asie centrale. La Turquie occupe une partie du territoire syrien sur une large bande le long de sa frontière avec la Syrie, et cherche à élargir sa zone de contrôle contre les Kurdes. Tel-Aviv, soutenu par Washington, bombarde la Syrie depuis des années pour affaiblir la Syrie loyale de Bachar el Assad mais aussi le Hezbollah, d’où ses bombardements récents au Liban. L’objectif de Tel Aviv veut affaiblir l’axe Chiite Iran-Syrie-Liban.
En toile de fond des crises multiples en Ukraine, en Géorgie (tentative de coup d’Etat de coup d’Etat en cours), à Gaza (épuration ethnique par Israël), au Liban (offensive d’Israël), et maintenant en Syrie, c’est la lutte pour nouvel ordre spatial et géopolitique mondial qui émerge au travers des conflits et qui s’éloigne toujours plus de l’ancien ordre spatial unipolaire américain.
La multiplication des conflits au Proche-Orient, dans le Caucase, en Ukraine et dans les Balkans, malgré leurs spécificités régionales, font partie d’un même théâtre mondial et sont situés dans les zones de confrontations géopolitiques entre grandes puissances. Les Etats-Unis, dans le cadre de leur stratégie d’encerclement de la Russie cherchent à favoriser la surextension de Moscou, doctrine explicitement invoquée par la Rand Corporation[iv] afin qu’elle soit obligée de faire face à différentes menaces sur différents théâtres.
Tout conflit ancien ou plus récent est désormais aspiré dans cette lutte de répartition des espaces géopolitique entre les Etats-Unis, la Russie, la Chine et les puissances secondaires. Au-delà des conflits autour des territoires et des populations, l’enjeu est la nouvelle architecture du système international : La Russie, l’Iran, la Chine additionnés des autres Etats membres appartenant aux BRICS et à l’Organisation de Shanghai (OCS) font la promotion d’un monde multipolaire en rivalité avec les Etats-Unis, Israël et leurs alliés (OTAN-UE) qui cherchent à torpiller l’émergence du monde multipolaire et a minima, ralentir la mutation vers un nouvel ordre mondial plus équilibré. La Turquie, membre de l’OTAN, mais refusant les sanctions contre la Russie, joue sa propre carte entre les regroupements antagonistes.
L’obstacle principal a un endiguement des crises multiples est donc de nature systémique, et tant qu’un nouvel ordre géopolitique plus multipolaire ne sera pas accepté par les Etats-Unis et leurs supplétifs de l’OTAN/UE, le conflit mondial s’élargira sur de nouveaux théâtres et s’approfondira, sous le seuil d’une troisième guerre mondiale.
Cette nouvelle offensive djihadiste en Syrie a été facilitée par les attaques de l’armée israélienne au Liban et en Syrie, pour affaiblir le Hezbollah depuis plusieurs semaines. Le groupe djihadiste HTS est l’héritier de Jabhat al Nusra, sous-groupe d’Al-Qaida qui avait fusionné avec l’Etat islamique jusqu’en 2014.
Il ne faut pas oublier que la Syrie, la Russie, le Hezbollah, et l’Iran avaient réussi à empêcher les djihadistes sunnites d’Al Qaida qui étaient soutenus par Washington-Londres-Paris-Tel Aviv-Ankara-Ryad-Doha-Amman à prendre Damas mais aussi combattu l’Etat islamique. Aujourd’hui, il y a réactivation des terroristes pour reprendre leur objectif de changement de régime. Toutefois, dans le monde arabe, l’Egypte[v] et l’Irak vont cette fois-ci soutenir la Syrie loyale de Bachar el Assad.
Les médias ukrainiens ont aussi affirmé que le GUR (renseignement militaire ukrainien) avait participé à attaque contre les bases russes en Syrie[vi] en septembre dernier[vii] et ont souligné qu’il était probable qu’ils soient associés à cette nouvelle opération[viii]. Cela n’est pas étonnant même si l’action de Kiev est ici négligeable dans les rapports de force en Syrie. Le régime de Kiev a fait de l’Ukraine un Etat usant de méthodes terroristes. Il faut souligner que les services ukrainiens, le GUR et le SBU[ix] ont été réformés et entrainées sous la houlette des services anglo-saxons, la CIA[x] et le MI6. La participation de Kiev, qui agit étroitement avec Washington et Londres, renforce la thèse de l’intérêt de Washington dans cette opération.
Rappelons-nous le soutien de la CIA, non seulement aux djihadistes afghans[xi] mais aussi aux bandéristes néonazis contre l’URSS pendant la guerre froide[xii]. Souvenons-nous aussi de la stratégie de tension de la CIA, soupçonnée d’organiser des attentats tuant des civils en Europe, toujours dans le contexte de la Guerre Froide[xiii]. Plus récemment, pour provoquer les changements de régimes en Ex-Yougoslavie, en Irak, en Libye et la tentative en Syrie[xiv], l’axe Washington/Londres et leurs alliés, ont soutenu des mouvements islamistes. Depuis 2014, les extrémistes ukrainiens se considérants comme les héritiers de Stepan Bandera mais aussi des mercenaires étrangers néonazis ont aussi servi de supplétifs pour les objectifs géopolitiques de Washington/Londres.
Au final, Washington (Grand Occident), Tel Aviv (Grand Israël), Ankara (panturquisme) et Kiev (nation anti-russe) continent de soutenir les terroristes sunnites pour atteindre leurs objectifs géopolitiques respectifs.
Washington, Tel Aviv, Ankara sont des régimes qui pratiquent le terrorisme d’Etat et menacent à nouveau la sécurité européenne. Ce n’est pas nouveau, la Guerre en Irak en 2003 promue par les néoconservateurs adeptes du suprémacisme américano-israélien a abouti à la montée en puissance de de l’Etat islamique mais aussi la tentative de changement de régime en Syrie depuis 2011 avec leurs proxys islamistes (soutenus par Londres et aussi malheureusement aussi par Paris). Ces Etats sont co-responsables des crises migratoires successives et des attentats islamistes en France.
On l’a dit, les Etats-Unis et la Turquie occupent le territoire syrien depuis des années, ce qui leur permet d’entretenir des djihadistes prêts à l’emploi pour les objectifs de déstabilisation, et aujourd’hui ouvrir un nouveau front.
Pour éviter que la Syrie ne tombe aux mains des djihadistes, et préserver la sécurité de l’Europe mais aussi de toute l’Eurasie, il est dans l’intérêt de la France que la Syrie de Bachar el Assad, la Russie et l’Iran réussissent à éliminer ces djihadistes. Si un régime islamiste parvenait à se hisser au pouvoir en Syrie, une nouvelle crise migratoire surgirait et les attentats islamistes sur le sol européen seraient facilités.
[i] https://www.fabricebalanche.com/syrie/lemirat-islamique-didleb/
[ii] https://mayenneaujourdhui.com/2024/11/30/le-role-disrael-dans-le-retour-du-terrorisme-en-syrie/
[iii] ÖMER ÖZKIZILCIK, UNITING THE SYRIAN OPPOSITION THE COMPONENTS OF THE NATIONAL ARMY AND THE IMPLICATIONS OF THE UNIFICATION, 2019
Ce rapport de 2019 souligne le soutien militaire de Washington à l’opposition à la Syrie de Bachar el Assad, et notamment sa composante turque, sous le prétexte de combattre Daesh https://www.setav.org/en/assets/uploads/2019/10/A54En.pdf
[iv] https://www.rand.org/pubs/research_briefs/RB10014.html
[v] https://french.ahram.org.eg/NewsContent/1/130/57427/Egypte/Politique/L%E2%80%99Egypte-souligne-son-soutien-;-l%E2%80%99Etat-syrien-et-;.aspx
[vi] https://www.kyivpost.com/post/39074
[vii] https://www.youtube.com/watch?v=6RvUVszl_50
[viii] https://www.kyivpost.com/post/43117
[ix] https://www.washingtonpost.com/world/2023/10/23/ukraine-cia-shadow-war-russia/
[x] https://www.nytimes.com/2024/02/25/world/europe/cia-ukraine-intelligence-russia-war.html
[xi] https://www.monde-diplomatique.fr/2016/02/SOUCHON/54701
[xii] ttps://mronline.org/2022/09/14/ukraine/
[xiii] https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20110501.RUE2092/quand-l-otan-tuait-des-civils-en-europe-pour-lutter-contre-l-urss.html
[xiv] https://cf2r.org/actualite/revelation-des-plans-secrets-de-la-cia-pour-la-destabilisation-de-la-syrie/